Entre janvier et mai 2025, au moins 1 865 personnes ont péri ou disparu en tentant de rejoindre l’Europe par la frontière maritime occidentale, selon un rapport accablant du collectif Caminando Fronteras publié le 18 juin. Ce chiffre, qui comprend 112 femmes et 342 enfants, alerte sur une tragédie migratoire largement ignorée. L’organisation pointe la responsabilité directe des politiques migratoires européennes dans cette hécatombe.
Basé sur un travail de veille continue, le rapport accuse les États de laisser mourir en mer faute de réponse rapide, d’activation des secours ou de coopération transfrontalière. Selon l’ONG, près de la moitié des naufrages seraient liés à des choix structurels : délais injustifiés d’intervention, moyens aériens non déployés, recours à des alertes passives plutôt qu’à des opérations de sauvetage. Caminando Fronteras parle d’une « stratégie délibérée de dissuasion », privilégiant le contrôle des frontières au détriment de la vie humaine.
La route vers les îles Canaries demeure la plus dangereuse : 1 482 morts recensés, soit environ 80 % du total. La zone de départ la plus meurtrière reste Nouadhibou, en Mauritanie, avec 1 318 décès. Bien que les départs aient diminué depuis le Sénégal et la Gambie, 110 morts y ont été dénombrés. Le littoral marocain, entre Agadir et Dakhla, a connu 54 décès. L’ONG signale également des embarcations retrouvées à la dérive jusqu’en Amérique latine, contenant des corps en état de décomposition avancée.
La route algérienne en direction des Baléares a causé 328 morts ou disparitions, souvent à proximité immédiate des côtes espagnoles. Malgré des alertes lancées à temps, les secours tardent, et l’absence de coordination avec l’Algérie compromet les opérations. Un changement est aussi observé dans le profil des migrants : davantage de Somaliens empruntent cette voie, témoignant d’une recomposition des itinéraires de migration.
À Gibraltar, des jeunes tentent de rallier Ceuta à la nage. Beaucoup échouent, leurs corps rejetés sur les plages sans être identifiés ni restitués. Cette « politique de déshumanisation » est vivement critiquée par le rapport. Quant à la route d’Alboran, son bilan reste flou, faute de données et de médiatisation, malgré des arrivées régulières de migrants épuisés sur les côtes andalouses.
Pour Helena Maleno, fondatrice de Caminando Fronteras, la baisse relative du nombre de morts par rapport à l’an dernier ne saurait être interprétée comme un progrès. « Nous ne pouvons pas normaliser ces chiffres », insiste-t-elle. L’activiste appelle les États à cesser de traiter les naufrages comme des statistiques et à remettre la protection de la vie humaine au cœur de leurs politiques migratoires.