Depuis le 1er janvier 2025, une révolution s’opère dans le secteur bancaire de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) : une banque établie dans l’un des six pays membres peut désormais ouvrir une succursale dans les cinq autres États avec un seul agrément. Cette mesure, adoptée par la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC), ouvre l’accès à un marché de 60 millions de consommateurs sans la lourdeur des procédures administratives multiples.
La réforme vise à faciliter l’expansion des établissements financiers en harmonisant les règles d’implantation à travers la région. En s’inspirant du modèle opérationnel en vigueur dans l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) depuis 1999, la CEMAC encourage les banques à étendre leur réseau de services. Ce changement devrait permettre aux banques de répondre plus efficacement aux besoins des entreprises et des particuliers, tout en dynamisant l’économie régionale.
Le secteur bancaire en CEMAC, bien que dynamique avec une progression de 11,4% des actifs en 2023 pour atteindre 22 401 milliards FCFA, demeure marqué par une forte concentration entre quelques grands acteurs tels que BGFI, Société Générale, Ecobank et UBA. Ces groupes détiennent plus de 80% des actifs et dominent ainsi le marché, alors même que seules 36 des 54 banques recensées respectaient les exigences minimales de fonds propres. Le contexte révèle par ailleurs une bancarisation faible, oscillant entre 15 et 20%, mettant en exergue les défis structurels de la région.
L’agrément unique devrait favoriser une meilleure inclusion financière en multipliant les points de contact entre les institutions bancaires et une population encore sous-bancarisée. Les autorités espèrent également voir une diversification des services, notamment grâce aux innovations digitales et au mobile banking. Toutefois, cette ouverture accrue pose la question du risque de contagion en cas de crise, chaque établissement étant désormais potentiellement relié aux fluctuations économiques de l’ensemble de la zone.
Selon Idriss Linge, Directeur des rédactions à l’Agence Ecofin, l’agrément unique constitue une opportunité majeure pour accélérer l’expansion régionale, bien que la réforme semble avant tout bénéficier aux grandes banques déjà solidement implantées. La simplification administrative pourrait, en effet, renforcer la position de ces acteurs et rendre plus difficile la concurrence pour les banques locales, souvent confrontées à des défis de capitalisation et de gestion des créances douteuses.
Les experts mettent en garde sur le risque que cette intégration renforce excessivement la concentration du marché, accentuant ainsi les disparités entre les grands groupes et les établissements de moindre envergure. Par ailleurs, l’impact sur l’accès au crédit, essentiel pour le financement des PME et le dynamisme économique, reste incertain dans un contexte où le coût du crédit demeure élevé. La réussite de cette réforme dépendra donc de la capacité des régulateurs à équilibrer ouverture du marché et stabilité financière, tout en accompagnant les acteurs locaux dans leur montée en puissance.