Des centaines de manifestants ont défilé le 12 juin dans le centre de Nairobi pour réclamer justice après la mort en détention d’Albert Ojwang, un jeune homme accusé d’avoir diffamé un haut responsable policier. Les forces de l’ordre ont rapidement dispersé la foule à coups de gaz lacrymogènes, provoquant des affrontements et plusieurs blessés.
Le décès d’Albert Ojwang, survenu dans la nuit du 7 au 8 juin dans une cellule de police, suscite une indignation croissante. Tandis que la police affirme qu’il se serait blessé en se cognant la tête contre un mur, l’autopsie révèle des traces de violences externes, indiquant une possible torture. L’ouverture d’une enquête officielle n’a pas suffi à calmer les esprits. Au contraire, elle alimente le soupçon d’un étouffement de l’affaire.
Albert Ojwang avait été arrêté après avoir publié sur X des accusations de corruption visant Eliud Lagat, inspecteur général adjoint de la police. Pour de nombreux Kényans, ce décès rappelle les méthodes brutales régulièrement dénoncées dans les rangs de la police. Les appels à la démission de Lagat se multiplient. Les manifestants, à l’image de Joshua Kimani, dénoncent l’impunité : « Il aurait pu porter plainte, pas faire arrêter Albert pour un tweet. »
Le président William Ruto a promis que « justice serait rendue », tandis que la police annonce d’éventuelles sanctions internes. Mais les précédents pèsent lourd. En 2023, plus de 60 personnes avaient été tuées lors de manifestations contre le gouvernement. Là encore, des enquêtes avaient été ouvertes, sans suite concrète. Pour beaucoup, les promesses répétées ne sont plus crédibles.
Les protestataires ne se contentent plus de réponses institutionnelles. « Nous ne faisons plus confiance à la police », résume Maryanne Kasina, présente dans la rue. Avec Lennies Sikuku, elle rappelle que les morts s’accumulent, sans que justice ne soit rendue. La violence policière, couplée à l’impunité, cristallise une colère qui dépasse le cas Ojwang : c’est tout un système de répression arbitraire que la jeunesse kényane rejette.
La mobilisation du 12 juin a dégénéré. Les forces de sécurité ont fait usage de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc. Plusieurs blessés sont à déplorer, deux véhicules ont été incendiés. Une situation qui témoigne de l’hostilité entre population et forces de l’ordre, dans un contexte où la liberté d’expression semble de plus en plus menacée. Et où la réponse à la contestation reste, encore une fois, la force.