L’opposant ougandais Kizza Besigye a déposé une plainte devant la Haute Cour kényane pour contester les conditions de son arrestation en novembre 2024 à Nairobi. Incarcéré depuis six mois en Ouganda pour trahison, il accuse les autorités kényanes de complicité dans son enlèvement par des agents ougandais qui se faisaient passer pour des policiers locaux.
Selon la déposition judiciaire, Kizza Besigye et son assistant Obeid Lutale ont été “enlevés illégalement et violemment” le 16 novembre 2024 par “huit hommes en civil armés de mitraillettes”. Ces individus, qui s’étaient présentés comme des policiers kényans, se sont révélés être des agents ougandais qui ont conduit les deux hommes directement vers l’Ouganda. L’avocat de Besigye, Me James Wa Njeri, dénonce cette opération comme une violation flagrante de la souveraineté territoriale kényane et du droit international.
Cette affaire s’inscrit dans un contexte de répression accrue contre l’opposition ougandaise sous le régime de Yoweri Museveni. Kizza Besigye, figure emblématique de l’opposition depuis plus de deux décennies, a déjà été arrêté à plusieurs reprises dans son pays natal. Son enlèvement au Kenya révèle les méthodes extraterritoriales employées par Kampala pour neutraliser ses opposants, même en dehors de ses frontières. L’affaire soulève également des questions sur les pratiques sécuritaires régionales en Afrique de l’Est.
Cette bataille judiciaire pourrait créer un précédent important dans la région concernant les enlèvements transfrontaliers d’opposants politiques. Si la Haute Cour kényane donne raison à Besigye, cela pourrait contraindre Nairobi à revoir ses accords sécuritaires avec ses voisins et à mieux encadrer les opérations conjointes. L’issue de cette procédure pourrait également influencer la position d’autres pays de la région face aux pratiques répressives de certains régimes.
L’évolution de la position officielle kényane révèle l’embarras des autorités de Nairobi. Après avoir initialement nié toute implication, le ministre des Affaires étrangères Musalia Mudavadi a reconnu en mai 2024 la participation de son pays à l’opération, invoquant un “partenariat sécuritaire” avec l’Ouganda. Cette volte-face traduit les pressions diplomatiques subies par le Kenya et la difficulté à justifier une opération qui bafoue ses propres lois.
L’argumentation de la défense repose sur un principe fondamental : “Le pouvoir d’arrestation au Kenya appartient exclusivement à la police kényane”, comme le souligne Me Wa Njeri. L’avocat dénonce l’absurdité de transférer un homme “du Kenya vers l’Ouganda pour l’y juger pour des crimes commis au Kenya”. Cette dimension juridique pourrait obliger les tribunaux kényans à se prononcer sur la légalité des opérations sécuritaires menées par des forces étrangères sur leur territoire, avec des répercussions potentielles sur l’ensemble de la coopération sécuritaire régionale.