La Cour supérieure du Québec a récemment autorisé une action collective menée par des travailleurs étrangers temporaires contre le gouvernement fédéral. L’objet de la poursuite est de contester la légalité des permis de travail fermés, qui lient les travailleurs à un employeur spécifique. Ces travailleurs, regroupés sous l’Association pour les droits des travailleurs de maison et de ferme, allèguent que ce type de permis viole leurs droits fondamentaux.
L’action collective, initiée en 2023, repose sur l’idée que les permis de travail fermés enfreignent la Charte canadienne des droits et libertés, notamment en matière de liberté et de sécurité. Les plaignants affirment que ces permis limitent sévèrement leur mobilité et les placent dans une situation de vulnérabilité face à d’éventuels abus de la part de leurs employeurs. La juge Silvana Conte, de la Cour supérieure, a estimé qu’il était légitime d’examiner cette plainte sous l’angle de la constitutionnalité.
Cette décision s’inscrit dans un contexte où plusieurs rapports ont souligné les conditions difficiles que rencontrent de nombreux travailleurs étrangers temporaires au Canada. L’un des principaux plaignants, Byron Alfredo Acevedo Tobar, originaire du Guatemala, a témoigné des abus qu’il aurait subis sous ce type de permis entre 2014 et 2022. Il dénonce des violences psychologiques, un harcèlement constant, ainsi que des conditions de travail inacceptables, sans formation adéquate ni protection suffisante.
En parallèle, les critiques à l’encontre du programme des permis fermés se multiplient. En 2023, un rapporteur spécial des Nations Unies a décrit le programme des travailleurs étrangers temporaires du Canada comme une plateforme propice à des formes contemporaines d’esclavage. Ce rapport, actualisé en 2024, souligne les abus systémiques tels que les heures de travail excessives et les retards de salaire.
Les perspectives de cette action collective restent ouvertes. Bien que l’autorisation de la poursuite représente une avancée majeure pour les plaignants, plusieurs aspects doivent encore être clarifiés. La portée du groupe de travailleurs concernés est l’un des points de litige. Le gouvernement souhaite limiter l’action aux travailleurs agricoles ou du secteur des soins ayant obtenu leur permis après 2017, tandis que les demandeurs veulent que tous les travailleurs touchés depuis 1982 soient inclus.
Cette affaire pourrait entraîner des changements importants dans la réglementation canadienne en matière de permis de travail pour les étrangers temporaires. En cas de succès, elle pourrait également ouvrir la voie à d’autres actions similaires, et inciter le gouvernement à repenser les protections offertes à ces travailleurs vulnérables.
Les syndicats québécois, notamment la CSN et la FTQ, soutiennent fermement cette action collective. Ils estiment que bien que les droits des travailleurs soient reconnus sur papier, les permis fermés les placent dans une situation de dépendance excessive vis-à-vis de leurs employeurs. Ce soutien syndical ajoute du poids à la demande de réforme, tout en soulignant la nécessité d’améliorer les conditions de travail de ces employés.
Enfin, au niveau international, le rapport des Nations Unies a attiré l’attention sur le programme canadien des travailleurs temporaires, alimentant la pression pour une réforme. Malgré l’augmentation du nombre de permis délivrés entre 2019 et 2023, le gouvernement fédéral a récemment annoncé vouloir réduire leur nombre.
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada n’a pas encore commenté cette affaire en raison de sa nature juridique. Le bureau du procureur général dispose de 30 jours pour faire appel de la décision de la Cour supérieure du Québec. D’ici là, cette action collective continuera de mobiliser l’opinion publique et de poser des questions cruciales sur les droits des travailleurs étrangers au Canada.