Le 3 juillet, la Guinée équatoriale a déposé une requête en urgence devant la CIJ afin d’empêcher la France de vendre un hôtel particulier situé avenue Foch, à Paris. Ce bâtiment, autrefois propriété de Teodorin Obiang, fils du président équato-guinéen, est au cœur d’un contentieux diplomatique et judiciaire de longue date entre les deux pays.
Dans sa requête, Malabo accuse la France d’avoir pris possession illégalement du bâtiment le mois dernier en en changeant les serrures. Elle demande à la CIJ d’ordonner à Paris de lui restituer un accès immédiat et sans entrave. Cette démarche vise à empêcher la vente imminente du bien, évalué à plus de 100 millions d’euros, qui avait été confisqué en 2021 dans le cadre d’une condamnation pour détournement de fonds publics visant Teodorin Obiang. Ce dernier avait écopé d’une peine de prison avec sursis et d’une amende de 30 millions d’euros.
L’affaire remonte à plusieurs années. En 2016, la Guinée équatoriale avait déjà saisi la CIJ pour tenter de faire reconnaître ce bâtiment comme étant une mission diplomatique protégée par la Convention de Vienne. La cour avait alors estimé que le bâtiment ne remplissait pas ce critère, car Malabo n’avait tenté de le désigner comme tel qu’après l’ouverture d’une enquête par la justice française. De plus, la présence d’une autre ambassade officiellement reconnue à Paris avait pesé dans la décision.
Cette nouvelle procédure s’inscrit dans une stratégie de défense plus large des intérêts du clan Obiang. En demandant des mesures conservatoires, la Guinée équatoriale cherche non seulement à récupérer l’usage du bâtiment mais aussi à contester ce qu’elle considère comme une instrumentalisation judiciaire à des fins politiques. Les décisions de la CIJ sont juridiquement contraignantes, même si la cour n’a pas les moyens de les faire exécuter.
Cette affaire relance aussi le débat sur les suites données aux affaires dites de « biens mal acquis » par les pays africains visés. Plusieurs dirigeants ou proches de dirigeants ont vu leurs avoirs saisis en Europe au nom de la lutte contre la corruption. En réponse, certains États, comme la Guinée équatoriale, multiplient les contre-attaques judiciaires, contestant la légitimité des procédures engagées par les anciennes puissances coloniales.
En saisissant de nouveau la CIJ, Malabo entend replacer le dossier sur le terrain diplomatique, espérant obtenir un arbitrage favorable qui pourrait faire jurisprudence. Si la cour accède à la demande de mesures conservatoires, cela pourrait entraver la politique française en matière de restitution et de sanction patrimoniale, tout en renforçant les revendications des États dénonçant une justice à géométrie variable.