L’Alliance des États du Sahel (AES) a officiellement créé une Cour pénale des droits de l’Homme (CPS-DH), dont le siège sera installé à Bamako. L’initiative, rendue publique la semaine dernière, vise à doter le Mali, le Burkina Faso et le Niger d’un outil judiciaire commun pour traiter les crimes les plus graves, tout en affirmant leur souveraineté judiciaire.
Selon le politologue malien Agali Welé, cette cour représente une avancée stratégique pour les trois régimes militaires qui composent l’AES. Elle permettra de juger sur leur propre sol les auteurs présumés de crimes de guerre, d’actes terroristes ou de violations des droits humains. « Nous savons qu’il y a des étrangers, il y a des Occidentaux », explique-t-il, en soulignant la volonté de juger ces personnes localement plutôt que de les voir extradées vers des pays où, selon lui, l’impunité règne trop souvent.
Cette initiative s’inscrit dans une dynamique plus large de rupture avec les institutions occidentales et internationales. Depuis les coups d’État successifs au Mali (2020), au Burkina Faso (2022) et au Niger (2023), les trois États ont multiplié les signes de défiance envers les structures héritées de l’ordre international libéral, en particulier en matière judiciaire. Pour l’AES, créer sa propre instance judiciaire, c’est répondre à ce qu’elle perçoit comme un traitement injuste, voire une forme de deux poids deux mesures dans les juridictions internationales.
Pour l’heure, peu de détails ont été fournis sur la composition, la compétence exacte et le fonctionnement de cette cour. Sa légitimité dépendra en grande partie de son indépendance et de sa capacité à juger de manière équitable. Si l’initiative séduit par son ambition, elle soulève également des interrogations : cette cour sera-t-elle capable de résister à la pression des pouvoirs en place ? Et saura-t-elle éviter de devenir un simple instrument politique au service des régimes militaires ?
Agali Welé voit dans la création de cette cour un tournant pour le continent. Il évoque une possible exportation du modèle au reste de l’Afrique, voire à d’autres régions du monde. « Il est très probable que cette cour va donner de nouvelles initiatives dans la sous-région et en Afrique », affirme-t-il. Reste à voir si l’exemple fera école, ou s’il s’agira d’un coup d’éclat symbolique sans véritable portée continentale.
La mise en place de la CPS-DH s’annonce comme un test majeur pour les régimes de transition de l’AES. Ils devront convaincre qu’il ne s’agit pas uniquement d’une réponse politique à l’isolement diplomatique, mais d’un véritable engagement en faveur de la justice. Pour cela, la transparence, l’intégration de magistrats compétents et la protection des droits des accusés seront des éléments déterminants.