La mort en détention du cyberactiviste burkinabè Alain Christophe Traoré à Abidjan provoque une grave crise diplomatique entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Qualifiée d'”assassinat crapuleux” par Ouagadougou, cette affaire intervient au moment le plus inopportun : alors que des négociations cruciales se déroulent entre la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et l’Alliance des États du Sahel (AES), regroupant le Burkina Faso, le Mali et le Niger.
Le gouvernement burkinabè rejette catégoriquement la thèse du suicide avancée par les autorités ivoiriennes et dénonce une communication “indigne” d’Abidjan dans la gestion de cette affaire. Cette position intransigeante d’Ouagadougou, qui exige une transparence totale sur les circonstances du décès, durcit considérablement le climat entre les deux pays. La controverse autour de la mort d’Alain Christophe Traoré, également connu sous le nom d’Alino Faso, cristallise désormais les tensions et menace de compromettre la confiance indispensable à tout processus de réconciliation régionale.
Cette crise bilatérale s’inscrit dans une période de recomposition géopolitique majeure en Afrique de l’Ouest. Les trois pays de l’AES ont déjà quitté une réunion stratégique sur la présidence tournante de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), révélant des divergences profondes avec les structures régionales traditionnelles. La Côte d’Ivoire, pilier de l’UEMOA et gestionnaire central du franc CFA, se retrouve au cœur de ces tensions. La défiance croissante du Burkina Faso envers la France, garante du franc CFA, alimente cette dynamique de rupture avec les mécanismes monétaires ouest-africains où Abidjan joue un rôle déterminant.
La Cédéao a mis en place une troïka ministérielle spécialement chargée de piloter les discussions post-retrait avec l’AES et de gérer les conséquences institutionnelles, sécuritaires et économiques de cette rupture historique. Cependant, l’escalade des tensions entre Ouagadougou et Abidjan risque désormais d’entraver ces négociations délicates. L’affaire Traoré pourrait constituer un point d’achoppement dramatique, susceptible de retarder voire de compromettre toute avancée politique entre les deux blocs ouest-africains.
Cette crise révèle une double fracture structurelle qui traverse l’Afrique de l’Ouest. D’un côté, les États sahéliens de l’AES revendiquent leur autonomie politique et économique en rompant avec la Cédéao. De l’autre, les États côtiers comme la Côte d’Ivoire privilégient la préservation de la stabilité monétaire et institutionnelle régionale. Cette opposition de visions stratégiques transforme chaque incident bilatéral en enjeu régional majeur.
L’Afrique de l’Ouest se trouve à un carrefour délicat où la gestion de cette crise bilatérale aura un impact direct sur la stabilité, la cohésion et l’avenir de l’intégration ouest-africaine. Alors que la Cédéao prône le dialogue et la réintégration des États sahéliens, et que l’AES insiste sur sa souveraineté et sa gestion autonome, la mort d’Alain Christophe Traoré illustre combien les relations personnelles et les incidents diplomatiques peuvent fragiliser l’architecture régionale dans une sous-région déjà marquée par des conflits sécuritaires et des recompositions diplomatiques majeures.