L’Afrique perd chaque année environ 5 milliards de dollars en raison de l’utilisation de devises étrangères pour ses transactions commerciales. Ce coût élevé résulte principalement des frais liés à l’échange de monnaies, notamment le dollar américain. Cette situation, révélée lors d’une interview de Dr. Melaku Geboye Desta, coordonnateur du Centre de politique commerciale africaine (ATPC), lors de la 57e session de la Conférence des ministres africains des Finances à Addis-Abeba, met en lumière une problématique qui impacte lourdement l’économie du continent.
Depuis des décennies, les pays africains sont contraints de faire des affaires, tant au sein du continent qu’avec des partenaires internationaux, en utilisant des devises étrangères telles que le dollar américain, l’euro, et, dans une moindre mesure, la livre sterling et le yuan chinois. Cette dépendance trouve ses racines dans les liens économiques historiques, les institutions bancaires post-coloniales et les pratiques commerciales mondiales, où les monnaies occidentales dominent comme principales unités d’échange. Ce système génère des pertes considérables pour l’Afrique, notamment en augmentant les coûts des transactions et en exposant les économies africaines à l’instabilité des taux de change.
L’utilisation des monnaies étrangères par les États africains découle d’un héritage historique et des structures économiques héritées de la colonisation. Les relations commerciales de l’Afrique ont été façonnées par des liens avec les puissances occidentales, créant ainsi une dépendance aux devises de ces pays. Les institutions bancaires mises en place après l’indépendance ont souvent renforcé cette dépendance, puisque la plupart des échanges se faisaient en devises occidentales, et l’accès aux marchés mondiaux était également conditionné par cette pratique.
Face à ces défis, des initiatives visant à réduire les coûts de transaction et à renforcer la compétitivité du commerce intra-africain commencent à émerger. L’un des projets les plus prometteurs est le Système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS), qui permet de traiter les paiements sans avoir recours à une monnaie intermédiaire. Dr. Desta souligne que l’usage de ce système pourrait aider à économiser les coûts liés à la conversion des devises et accélérer les échanges commerciaux, rendant ainsi les transactions plus compétitives et fluides entre les pays africains.
Certaines nations africaines ont déjà commencé à envisager des solutions alternatives, en explorant la possibilité d’utiliser leurs monnaies locales pour les échanges avec des partenaires non occidentaux, tels que la Chine et la Russie. Ces démarches pourraient marquer un tournant majeur dans la réduction de la dépendance de l’Afrique aux devises étrangères et dans la promotion d’une monnaie régionale plus forte, facilitant ainsi les échanges commerciaux entre les pays du continent et avec le reste du monde.
Plusieurs experts estiment que cette évolution vers l’utilisation de devises locales et l’intégration de systèmes de paiement africains autonomes pourrait redéfinir la dynamique commerciale du continent. En réduisant les coûts liés à la conversion des devises, l’Afrique pourrait non seulement économiser des milliards de dollars, mais aussi stimuler la compétitivité des entreprises africaines sur le marché mondial. Toutefois, ces initiatives nécessitent une collaboration accrue entre les États africains et un renforcement des infrastructures économiques internes pour garantir leur succès à long terme.