Une information circule, surtout dans les réseaux sociaux, suivant laquelle le Cameroun aurait manifesté son intérêt d’adhérer aux BRICS. Formée initialement par le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, pour défier l’hégémonie économique occidentale, les BRICS se sont récemment élargis avec cinq nouveaux membres, dont l’Égypte, l’Éthiopie, l’Iran, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.
Pour bon nombre d’observateurs, si cette information se confirme, cet intérêt exprimé par le Cameroun pour rejoindre l’alliance des BRICS, ne va pas manquer de susciter des questions et des réflexions sur ses implications économiques et politiques. D’autant plus que l’information s’ajoute à une autre qui annonce que, parallèlement à cette demande d’adhésion, le Cameroun aurait décidé de procéder au retrait de ses réserves d’or des Etats-Unis ou il les garde depuis l’époque d’Ahidjo.
Cette double annonce suscite beaucoup d’intérêt au regard de ses implications diplomatiques. Le pays est actuellement confronté à de sérieux défis économiques et sécuritaires, sans oublier les incertitudes politiques liées d’une part aux préoccupations successorales au sommet de l’Etat qui donnent lieu au sein du régime a de féroces luttes de clans et d’autre part à la tension qui monte dans l’opinion au fur et à mesure que l’on se rapproche des multiples consultations électorales de 2025. Au regard de tout cela, le du gouvernement d’adhérer le Cameroun aux BRICS mérite d’être questionné. La justification officielle qui accompagne serait la nécessité pour le Cameroun de stimuler son économie confrontée actuellement à de nombreux défis comme la baisse du prix du pétrole, ainsi que l’aggravation de l’inflation. On y ajouterait aussi pour ce qui concerne le retrait des réserves d’or des Etats-Unis, la récession économique qui s’annoncerait dans ce pays.
A première vue, le caractère spécieux de ces explications n’échappe a personne. Premièrement parce que c’est connu de tous que si l’économie du Cameroun n’avance pas beaucoup, la faute ne vient pas de l’extérieur, mais bien de l’intérieur, particulièrement de la malgouvernance chronique du régime au pouvoir. Deuxièmement, justifier le retrait de ses réserves d’or des Etats-Unis par la récession économique dans ce pays relève d’une contre-vérité, puisque ce pays est de nos jours celui en Occident ou l’économie fait preuve de plus dynamique avec un taux de croissance de 2,5% en 2023 contre 0,5% dans la zone euro. Alors le Cameroun retire ses réserves d’or des Etats-Unis pour les mettre où ? Même la grande Russie qui depuis le boycott dont elle est victime à la suite de sa déclaration de guerre à l’Ukraine, annonce la même intention n’arrive pas à le faire jusqu’ici.
On arrive ainsi à la conclusion que l’explication d’un tel acte ne peut être que l’expression d’un virage diplomatique radical pour le Cameroun conduisant à un changement d’alliances stratégiques. On sait déjà que la Chine est devenue le premier client et le premier fournisseur de capitaux du Cameroun depuis quelques années. Ensuite, il n’est un secret pour personne que les relations deviennent de plus en plus chaleureuses entre le Cameroun et la Russie, en particulier dans le domaine économique. Les deux puissances représentant les piliers des BRICS, ce qui veut dire que le Cameroun en y adhérant en ce moment de bipolarisation progressive change carrément de camp au détriment des occidentaux. Qu’est-ce qui justifierait fondamentalement un choix aussi radical ?
La deuxième interrogation sur cet éventuel renversement d’alliances est sur les implications politiques et sécuritaires qu’il entrainerait. Sur le plan politique, dans la perspective des cruciales échéances électorales de 2025, le régime qui ne manifeste aucune volonté de modifier les règles de jeu dans le sens de plus de démocratie, supporte de plus en plus mal les critiques des occidentaux vis à vis ses pratiques de gouvernance. Anticipant sur leur éventuelle condamnation en cas d’un énième coup de force électoral en 2025, alors qu’il ne voit pas comment il peut assurer sa survie autrement, aurait-il décidé de leur tourner le dos des maintenant en s’alliant avec la Chine et la Russie à travers les BRICS, d’autant plus que les deux pays sont eux-aussi gouvernés par des régimes totalitaires et n’auront aucun scrupule à le soutenir ? Sur le plan sécuritaire, la plus grande préoccupation du régime concerne la guerre qu’il mène dans les régions anglophones depuis 2017 et qui n’est pas prête de se terminer. A ce sujet, il ne semble pas très content de la tiédeur du soutien des occidentaux. Plus, il reproche même à certains d’entre eux de donner refuge aux leaders séparatistes et même de leur fournir des armes. Ces reproches s’adressent particulièrement aux Etats-Unis d’Amérique, le leader incontesté du monde occidental. Par contre, de nombreux états membres des BRICS comme la Russie, semblent disposés à lui apporter un soutien plus conséquent, comme ils le font déjà à de nombreux autres pays africains. Ce raisonnement a-t-il poussé le régime à franchir le Rubicon ? That is another question.
Néanmoins, même si tout semble accréditer cette thèse de changement d’alliances, il reste à savoir si l’information est réelle ou s’il s’agit simple ballon d’essai destiné à tester les réactions dans l’opinion. ? Wait and see.