Le Mali a émis un mandat d’arrêt contre Mark Bristow, PDG de Barrick Gold, l’un des plus grands producteurs d’or au monde. Ce geste, rapporté par plusieurs médias, démontre la volonté de Bamako de réclamer une part plus équitable des revenus issus de ses ressources naturelles. Cependant, bien que l’objectif soit légitime, la méthode employée par les autorités maliennes soulève des questions sur son efficacité et ses conséquences sur l’image du pays.
Mark Bristow est accusé de blanchiment d’argent et de violation des réglementations, dans le cadre d’un conflit fiscal où le Mali réclame 500 millions de dollars à Barrick Gold. Un accord avait été trouvé en septembre dernier, avec un premier paiement de 85 millions de dollars, mais les autorités maliennes ont accusé la compagnie de ne pas avoir respecté les termes de cet accord. En conséquence, quatre cadres de Barrick ont été arrêtés et attendent leur procès. Ce n’est pas la première fois que le Mali emploie cette tactique : en novembre, le PDG de Resolute Mining avait été détenu brièvement avant un paiement de 160 millions de dollars.
Ces actions s’inscrivent dans une stratégie amorcée en 2023 après un audit révélant un manque à gagner important pour le Mali. Le gouvernement a pour objectif de récupérer ces fonds, estimés entre 500 millions et 1 milliard de dollars, et de renforcer la part de l’État dans le secteur minier. Cette dynamique s’inscrit dans une tendance plus large en Afrique, où des pays comme la Tanzanie, la République Démocratique du Congo (RDC) et le Botswana ont renégocié les termes de leurs partenariats miniers pour obtenir des revenus plus équitables. La volonté est claire : ne plus se contenter de miettes et assurer que les ressources naturelles bénéficient aux populations locales.
La méthode utilisée par Bamako, consistant à arrêter des dirigeants pour forcer des paiements, est critiquée car elle nuit à l’image du pays et compromet la confiance des investisseurs. Pourtant, cette approche musclée est aussi une réponse à la lenteur et au coût élevé des mécanismes juridiques traditionnels, souvent défavorables aux États africains face aux multinationales. La question qui se pose est donc : comment équilibrer la fermeté avec une transparence nécessaire pour maintenir la stabilité économique et attirer des investissements ?
D’autres pays du continent ont opté pour des méthodes de négociation moins brutales, mais tout aussi efficaces. La Tanzanie, sous la présidence de John Magufuli, a réussi à imposer des paiements conséquents à des compagnies minières grâce à des audits révélant des fraudes. De même, le Botswana et la RDC ont prouvé que la négociation pouvait donner des résultats pérennes sans recours à des actions coercitives. Ces exemples montrent que l’équilibre entre la revendication de justice économique et la préservation de la confiance des partenaires est possible.
Le Mali, comme de nombreux pays africains, est à un tournant décisif. Si la fermeté est nécessaire pour défendre les intérêts nationaux, elle doit être accompagnée d’une transparence accrue et d’une utilisation stratégique des mécanismes de régulation internationale. L’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) et le soutien de la Banque africaine de développement peuvent aider à structurer des accords équitables, garantissant que les ressources naturelles bénéficient à long terme aux populations africaines.