En Afrique, la médecine traditionnelle, fondée sur l’utilisation de plantes médicinales, demeure la première ressource de santé pour plus de 80 % de la population. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle (IA) apparaît comme un outil prometteur pour préserver ces savoirs ancestraux, améliorer leur validation scientifique et accélérer la découverte de nouveaux traitements adaptés aux maladies infectieuses et tropicales.
Depuis plusieurs décennies, la médecine traditionnelle joue un rôle central, notamment dans les pays à faibles revenus où elle reste souvent la seule option accessible et abordable. Cette pratique s’appuie sur un héritage culturel fort, transmis oralement, mais qui souffre d’un manque de reconnaissance scientifique et de documentation. L’IA vient aujourd’hui combiner les connaissances anciennes avec les technologies modernes, en exploitant la diversité biologique exceptionnelle du continent africain, qui recèle plus de 40 000 espèces végétales uniques, dont 5 000 sont traditionnellement utilisées en médecine.
Cette évolution s’inscrit dans un contexte global où la médecine traditionnelle gagne du terrain, même dans les pays à revenus élevés, souvent comme complément aux soins modernes. Mais en Afrique, elle demeure surtout une nécessité, inscrite dans les politiques de santé publique depuis la Déclaration d’Alma-Ata en 1978, qui reconnaissait déjà son importance. Or, la transmission orale et le manque de bases de données structurées freinent son exploitation scientifique et la découverte de médicaments basés sur ces plantes.
L’intelligence artificielle intervient désormais dans plusieurs domaines clés : les systèmes experts reproduisent le raisonnement des guérisseurs, le traitement automatique du langage naturel (NLP) permet d’extraire des données issues de textes anciens ou d’interviews, et l’apprentissage automatique (machine learning) prédit les propriétés médicinales des plantes. Ces technologies accélèrent l’identification de molécules actives et la validation de leur efficacité. Par exemple, des bases de données comme l’African Natural Products Database regroupent aujourd’hui des milliers de molécules issues de la flore africaine, accessibles aux chercheurs pour développer de nouveaux traitements.
À l’avenir, l’IA pourrait renforcer la lutte contre des maladies tropicales majeures telles que le paludisme, la dengue ou la trypanosomiase, en facilitant la prévention par des remèdes naturels validés scientifiquement. Toutefois, réussir cette alliance entre tradition et technologie nécessite un effort collectif : former les chercheurs africains aux outils d’IA, bâtir des infrastructures adaptées, et assurer une gouvernance respectueuse des données et des valeurs culturelles. La collaboration entre praticiens traditionnels, scientifiques et décideurs politiques sera essentielle pour tirer pleinement parti de ce potentiel.
Enfin, au-delà des aspects techniques, l’enjeu est aussi de préserver un patrimoine immatériel précieux tout en offrant à l’Afrique une souveraineté scientifique dans la découverte de médicaments abordables et efficaces. L’intelligence artificielle n’est pas une solution miracle, mais elle ouvre une nouvelle voie pour faire de la médecine traditionnelle un pilier durable de la santé publique sur le continent.