Aux assemblées du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale à Marrakech, Louis-Paul Motaze, ministre des Finances du Cameroun, défend le bilan de la politique économique du gouvernement. Il estime qu’il faudra maintenir, voire accentuer la pression fiscale.
Lors de ces assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale, la question de la réallocation des droits de tirages spéciaux (DTS) des pays riches est au cœur des discussions. Avez-vous reçu des garanties de la part des institutions quant aux engagements pris ?
Louis-Paul Motaze : Il y a moins de deux ans déjà, les pays du G20, les plus industrialisés, avaient pris la décision, pour aider les pays à faire face aux différents chocs que le monde connaît, d’allouer des droits de tirage spéciaux. Cela pouvait se faire via les banques multilatérales de développement. Sur le plan politique, la décision a été prise. Mais la faisabilité est un peu plus complexe. Nous étions à une réunion [ce mercredi 11 octobre, NDLR] qui était présidée par le nouveau président de la Banque mondiale qui a dit : « Écoutez, c’est bien, mais le faire en dehors du FMI, c’est un peu complexe. » Pour être bref, politiquement, la décision a été prise, mais sur le plan technique, il y a encore beaucoup de choses.
Avez-vous des attentes rapides à ce niveau-là ?
Oui, s’il s’agit de réallouer des fonds à nos pays, que ce soit directement ou via les banques de développement, nous sommes très demandeurs.
Concernant votre politique économique, le FMI parle de « résultats mitigés ». Allez-vous accélérer les réformes structurelles pour tenir vos engagements vis-à-vis de l’institution ?
S’il s’agit de comparer nos résultats par rapport aux attentes qui ont été celles du programme, nous sommes en règle. Évidemment, le Cameroun n’est pas dans une île. Le Cameroun appartient au monde et à l’heure actuelle, il y a un certain nombre de chocs. Il y a une série de crises, sauf qu’elles ne se sont pas succédé, elles se sont empilées. Nous avons une guerre dans une partie du pays, nous avons des crises externes. Ça a été le Covid à un moment. Maintenant, je surveille comme le lait sur le feu ce qu’il se passe au Moyen-Orient. Cela peut avoir une incidence sur le prix du pétrole. Face à ces crises-là, il n’était pas possible que le Cameroun, comme tous les pays, en sorte indemne. Il y a forcément des conséquences.
Un certain nombre d’acteurs économiques camerounais disent être asphyxiés, assommés par les impôts. Allez-vous maintenir la pression fiscale qui est actuellement exercée ?
Je vais peut-être en décourager quelques-uns en disant que la politique que nous voulons mener est d’accroître la pression fiscale. Il s’agit d’élargir la base taxable. Pas forcément de dire que les gens vont payer plus d’impôts, mais il y a plus de gens qui doivent payer les impôts. Nous pouvons accroître la pression fiscale sans forcément faire en sorte que ce soit les mêmes qui payent. C’est ça le problème. C’est pour ça que nous essayons de découvrir des niches nouvelles – des personnes morales ou physiques qui pourraient payer – mais qui jusque-là étaient exemptées du paiement des impôts.
Ne craignez-vous pas que cela puisse contribuer au découragement du secteur formel tout en alimentant le secteur informel ?
C’est justement l’inverse, parce que ceux qui payent jusqu’à présent et qui se plaignent de trop payer, ce sont principalement les gens du secteur formel. Il y a, au sein du secteur informel, des gens qui font de très grosses opérations. C’est pour ça que nous avons créé un lien extrêmement fort entre les impôts et la douane. Parce que nous avions des gens qui faisaient des opérations extrêmement importantes au niveau de la douane, mais qui étaient inconnus du fisc, ça n’est pas normal. Maintenant, vous ne pouvez plus le faire. Quand on élargit la base taxable, c’est beaucoup plus pour fiscaliser ceux qui ne l’étaient pas.
Source : RFI