Après plusieurs mois de gel de ses activités, la société aurifère Barrick Gold a rouvert, le 23 juin 2025, son bureau de Bamako. Cette reprise s’effectue dans un cadre inédit : la société est désormais placée sous administration provisoire, décision prise par le tribunal de commerce malien. Cette mesure marque un tournant dans la relation entre le gouvernement malien et l’un des plus grands producteurs d’or au monde.
Soumana Makadji, ancien ministre de l’Économie et des Finances, a été nommé administrateur provisoire de la filiale locale de Barrick. Il doit se rendre dans les prochains jours sur le site de Loulo-Gounkoto, dans l’ouest du Mali, pour superviser la reprise partielle des opérations. Ce complexe représente à lui seul 14 % de la production mondiale du géant canadien. L’arrêt de la mine, qui dure depuis plusieurs mois, a provoqué une perte estimée à 1,24 milliard de dollars pour Barrick en 2025.
Cette reprise sous contrôle étatique intervient dans un contexte de revendications croissantes autour de la souveraineté sur les ressources naturelles. Le gouvernement malien, qui détient actuellement 20 % des parts de la coentreprise, veut augmenter cette participation à 35 %, en s’appuyant sur une réforme du code minier. Bamako affirme sa volonté de rééquilibrer les rapports avec les multinationales étrangères tout en consolidant ses recettes budgétaires.
Si le discours officiel met en avant la souveraineté, les autorités doivent aussi composer avec une autre réalité : rassurer les partenaires économiques. Le secteur minier représente une part essentielle des exportations et des revenus de l’État. En relançant la production d’or — qui pourrait atteindre 54,7 tonnes cette année selon les projections — le Mali cherche à maintenir son attractivité tout en affirmant un nouveau rapport de force.
La nomination d’un administrateur provisoire d’origine malienne permet à l’État de garder la main sans rompre définitivement avec Barrick. Mais cette cohabitation reste fragile. Le groupe canadien pourrait exiger des garanties pour la reprise complète de ses activités, tandis que les autorités maliennes, confrontées à une conjoncture économique tendue et à des besoins de liquidités, devront arbitrer entre fermeté politique et pragmatisme économique.
Au-delà de ce bras de fer ponctuel, l’affaire Barrick illustre l’impasse dans laquelle se trouve le modèle extractif africain : une dépendance persistante aux matières premières, sans véritable maîtrise locale. Le Mali, troisième producteur d’or du continent, tente ici un repositionnement délicat. La suite dépendra autant de la capacité de l’État à structurer une gouvernance crédible que de la volonté des multinationales à accepter un nouveau partage des richesses.