Le Bureau du vérificateur général (BVG) du Mali a publié un rapport explosif le 30 décembre 2024, mettant en lumière des malversations présumées à l’Agence de gestion du fonds d’accès universel (Agefau) entre 2020 et 2023. Placée sous la tutelle du Premier ministre, cette institution aurait été le théâtre d’irrégularités impliquant directement ou indirectement l’ancien chef du gouvernement, Choguel Maïga, notamment pour des montants importants.
Le rapport, détaillé sur 113 pages, expose des anomalies financières et administratives majeures. Parmi elles, l’approbation d’un prêt irrégulier de plus de 20 milliards de FCFA (30 millions d’euros) accordé au Trésor public en 2020 pour lutter contre la pandémie de Covid-19. S’ajoutent des dépenses injustifiées, telles que des abonnements téléphoniques pour le personnel ou encore des équipements manquants dans des écoles, pour un total de plusieurs dizaines de millions de FCFA. Des “dépenses de souveraineté”, non prévues par la réglementation, auraient également bénéficié directement à Choguel Maïga, notamment pour financer des déplacements personnels.
Ce rapport intervient dans un climat politique tendu. Choguel Maïga, limogé de ses fonctions en novembre 2024, entretient des relations conflictuelles avec la junte au pouvoir. Ce contexte alimente les suspicions d’un éventuel règlement de comptes politiques, d’autant que l’ancien Premier ministre nourrit, selon plusieurs observateurs, des ambitions présidentielles. Ces désaccords auraient contribué à la publication opportune de ce rapport peu de temps après son éviction.
Bien que l’entourage de Choguel Maïga démente une convocation par la Cour suprême, le BVG a transmis ses conclusions à la section des comptes de cette institution. Si des suites judiciaires sont probables, elles pourraient à la fois renforcer la lutte contre la corruption et alimenter les tensions entre acteurs politiques. Cette affaire s’inscrit dans la volonté affichée par les autorités de transition de combattre les détournements de fonds publics, un engagement réclamé par la population malienne.
Contacté par les médias, Choguel Maïga a choisi de ne pas commenter ces accusations, tandis que ses proches dénoncent un complot orchestré par ses adversaires politiques. Lors d’une réunion filmée début décembre, il avait lui-même anticipé ces accusations, les qualifiant de “plans” visant à ternir son image, tout en affirmant agir en toute conscience. Ces déclarations renforcent l’impression d’une bataille politique qui dépasse le cadre strictement juridique.
Cette affaire, potentiellement explosive, met en lumière les défis persistants du Mali en matière de gouvernance et de transparence. Si elle reflète une volonté accrue de lutter contre la corruption, elle soulève également des interrogations sur l’utilisation des institutions publiques à des fins politiques. L’opinion publique malienne, quant à elle, reste divisée : certains saluent une démarche salutaire pour l’État de droit, tandis que d’autres y voient un instrument de répression politique.