Trois nouveaux accords signés entre le Mali et la Russie viennent formaliser un partenariat stratégique dans les domaines de l’énergie nucléaire, du commerce et de la sécurité. En visite officielle à Moscou, le président de la Transition, Assimi Goïta, a rencontré ce 23 juin son homologue russe Vladimir Poutine. Ce déplacement confirme un basculement assumé de Bamako vers un axe de coopération plus étroit avec Moscou, renforcé par des engagements concrets, dont l’implantation de projets énergétiques et la structuration d’un soutien militaire renouvelé.
À l’issue d’un entretien au Kremlin, les deux chefs d’État ont supervisé la signature de trois accords majeurs. Le premier institue une commission intergouvernementale chargée de structurer la coopération bilatérale, avec pour objectif d’accroître les investissements russes au Mali et de faciliter les transferts de technologies dans les secteurs industriels clés. Le deuxième accord, signé avec Rosatom, porte sur le développement de l’énergie nucléaire à des fins civiles. Il prévoit un appui technique sur le long terme, des formations spécialisées et des études de faisabilité, dans un pays où l’accès à l’électricité reste encore largement déficitaire. Enfin, le troisième texte pose les bases d’un partenariat global, centré sur la souveraineté, la solidarité politique et le renforcement des capacités sécuritaires.
Cette visite intervient dans un contexte de recomposition des alliances diplomatiques du Mali. Depuis le départ de l’armée française en 2022 et la fin de la mission onusienne MINUSMA fin 2023, les autorités de la Transition ont engagé un réalignement stratégique vers la Russie. Moscou a remplacé le groupe Wagner – officiellement dissous – par l’Africa Corps, un dispositif sous contrôle direct du ministère russe de la Défense. Celui-ci est désormais actif dans la formation des troupes maliennes, la logistique militaire et le renseignement, notamment dans les régions instables du centre et du nord du pays.
Au-delà des effets d’annonce, plusieurs défis se posent. Le calendrier d’implémentation du programme nucléaire reste flou, et la capacité du Mali à absorber ce transfert technologique dépendra de la stabilité politique interne et du financement des infrastructures. Sur le plan sécuritaire, la substitution d’un partenaire militaire par un autre ne garantit pas, à elle seule, une amélioration durable de la situation sur le terrain. La coopération sera évaluée à l’aune de ses résultats concrets dans la lutte contre les groupes armés, qui continuent de menacer la stabilité du pays.
La question de l’or s’est invitée dans les discussions. Après le lancement du chantier d’une nouvelle raffinerie à Sénou, en partenariat avec l’entreprise russe Yadran, le gouvernement malien veut contrôler la chaîne de valeur aurifère, qui échappe encore largement à l’État. Mais le projet, doté d’une capacité de raffinage de 200 tonnes par an, suscite des réserves. La part de 38 % accordée à Yadran dans le capital de la société conjointe SOROMA-SA et l’absence de certification internationale LBMA fragilisent sa crédibilité sur les marchés internationaux. Pour Bamako, l’enjeu est clair : encadrer la production nationale, capter davantage de recettes fiscales et assurer la traçabilité de l’or malien.
Lors de la rencontre, Vladimir Poutine a rappelé les liens historiques entre les deux pays, mentionnant la formation de plus de 10 000 cadres maliens en Russie depuis les années 1960. Goïta, de son côté, a souligné l’attachement du Mali au principe de souveraineté et à une coopération « dans l’intérêt des peuples ». La suite du programme prévoit des discussions sectorielles dans l’industrie, l’éducation et la technologie. Si les ambitions affichées sont élevées, la mise en œuvre effective de ces accords déterminera si ce rapprochement stratégique relève d’un tournant durable ou d’une dépendance accrue à une puissance tutélaire.