Près d’un millier de manifestants ont bravé jeudi 25 juillet les rues de Tunis pour dénoncer le régime du président Kaïs Saïed et réclamer la libération des prisonniers d’opinion. Cette mobilisation, organisée par plusieurs coalitions d’opposition, s’est déroulée symboliquement le jour du quatrième anniversaire du coup de force présidentiel de 2021, transformant une date de commémoration républicaine en journée de contestation politique.
La manifestation a réuni des opposants déterminés malgré les désistements de dernière minute de certaines coalitions et l’absence notable de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), principale centrale syndicale du pays. Les manifestants, vêtus de noir en signe de deuil pour la démocratie tunisienne, ont scandé des slogans contre le gouvernement actuel. Parmi eux, Saeb Souab, fils de l’avocat Ahmed Souab incarcéré depuis avril pour “terrorisme”, qui a salué cette “union du camp démocrate”. La forte présence policière n’a pas empêché le déroulement pacifique de la protestation.
Le 25 juillet revêt une double signification en Tunisie : il marque à la fois le 68e anniversaire de la proclamation de la République en 1957 et le quatrième anniversaire du tournant autoritaire de Kaïs Saïed. Ce jour de 2021, le président avait gelé le Parlement, limogé le Premier ministre et s’était arrogé les pleins pouvoirs, mettant fin à la transition démocratique post-révolution de 2011. Depuis, les arrestations d’opposants, journalistes et avocats se sont multipliées, alimentant les accusations de dérive dictatoriale.
Cette manifestation révèle les limites actuelles de l’opposition tunisienne, capable de mobiliser quelques centaines de personnes mais loin des foules qui avaient renversé Ben Ali. L’élection présidentielle d’octobre 2024, remportée par Saïed avec plus de 90% des voix mais un taux d’abstention record, a confirmé l’affaiblissement des forces démocratiques. La répression continue et l’apathie d’une partie de la population laissent présager une consolidation du régime autoritaire, malgré la résistance symbolique de cette frange militante.
Le témoignage de Farah, 27 ans, illustre cruellement cette réalité : “Il y en a qui ont peur et d’autres qui ont l’impression de vivre dans une autre dimension. Ils disent que la politique ne les intéresse pas et que finalement, quelques arrestations par-ci par là, c’est normal.” Cette résignation d’une partie de la jeunesse tunisienne contraste avec l’élan révolutionnaire de 2011, révélant l’ampleur du recul démocratique.
Le choix du noir par les manifestants traduit leur perception d’une République défunte. “C’est devenu une occasion funèbre et peu festive”, confie amèrement Saeb Souab, transformant une célébration nationale en veillée funèbre pour la démocratie. Cette symbolique puissante illustre le fossé béant entre les promesses républicaines de 1957 et la réalité autoritaire de 2025, où les principes démocratiques fondamentaux sont systématiquement bafoués.