Elle vient d’être élue présidente du Syndicat national des journalistes du Cameroun (Snjc), Un poste jusque-là occupé par des hommes. Dans cet entretien, la journaliste revient sur le processus qui l’a conduite au perchoir, les chalenges qui l’attendent et bien entendu les conditions de travail dans la presse au Cameroun.
Vous êtes militante genre et première femme présidente du Snjc. Était-il important pour vous de briguer ce mandat? Quel message aux jeunes femmes des médias ?
C’est une grande fierté, car après 20 ans d’existence du SNJC et 4 présidents hommes, je prends les rênes du syndicat après un congrès électif avec 132 délégués présents venus des 10 régions du Cameroun. J’ai battu à la régulière les 2 autres candidats hommes, qui n’ont pas démérité, en l’emportant avec 50% des voix. C’est une fierté car, le Snjc apporte la preuve de sa maturité en confiant les rênes du syndicat à une femme compétente. C’est un signal fort envers les femmes journalistes car une rupture a été faite, un cap a été franchie. Et l’exemple nous vient de la Fédération internationale de journalistes (Fij). Après près de 100 ans d’existence, c’est la première fois qu’une femme est élue pour diriger la Fij, Dominique Pradalié a été élue au 31ème congrès de la Fij qui s’est déroulé à Oman du 31 mai au 3 juin 2022. Congrès au cours duquel j’ai été élue membre du comité exécutif de la Fij. Nous sommes donc 16 au monde à réfléchir sur les politiques des médias et journalistes. C’est une fierté camerounaise.
Vous êtes depuis longtemps dans le sillage des décisions à travers vos différentes fonctions dans le bureau exécutif mais depuis que vous êtes leader, qu’est-ce que vous allez apporter de nouveau ?
La situation de la presse au Cameroun est très difficile aussi bien pour les entreprises de presse que pour les employés des médias. La crise économique liée à l’avènement de la Covid-19 et récemment celle de la guerre en Ukraine ont conduit à une flambée de prix. Les crises sécuritaires ont accentuée l’insécurité pour les journalistes et les dangers dans l’exercice de leur profession. Les tirages de la presse privé ont diminué de près de 50%, le contenu a beaucoup perdu en qualité et l’avènement des réseaux sociaux et prolifération des fake news par des lanceurs d’alerte, blogueurs et influenceurs minent la situation de la presse au Cameroun qui occupe le rang de 118 sur 180 pays dans le classement de la liberté de la presse mondiale.
Quel était l’état des lieux du Snjc quand vous avez pris fonction ?
Il est très tôt pour parler de l’état des lieux. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Bureau Exécutif National (BEN) a engagé depuis 2 mois une tournée nationale pour rencontrer les membres du Snjc et les journalistes de chaque région pour qu’ils nous présentent leurs difficultés et leurs attentes. Nous avons déjà été au Sud-ouest, Nord-Ouest, l’Ouest, le Sud et L’Est. Ce rapport nous permettra de faire un état des lieux plus réel.
Pendant ce temps, la presse camerounaise perd des plumes. Que pense le Snjc des départs récurrents des journalistes du groupe Équinoxe?
Le principe est simple, quand on est à l’aise quelque part on ne part pas. Alors si des journalistes quittent une maison et de manière récurrente, cela veut dire qu’il y’a un problème. Nous avons des camarades dans cette maison qui n’ont même pas le courage d’avouer qu’ils sont au SNJC. Ce groupe est l’une des entreprises qui n’admet pas en son sein des représentants du personnel. Dans ces conditions, le rêve de tout employé est de partir. Les témoignages des ex employés de cette entreprise que nous avons au Snjc nous permettent de comprendre que le climat social au sein de la maison ne permet pas à un travailleur de s’y épanouir.
Le Snjc aurait-il une astuce pour que les médias camerounais ne perdent plus leurs plumes?
Pour que les médias conservent longtemps leurs travailleurs, leurs plumes comme on voit ailleurs, il suffit tout simplement que les médias au Cameroun deviennent de véritable entreprise de presse. Il n’y a pas de véritables entreprises de presse au Cameroun. Il faut que le climat social soit amélioré. Et l’amélioration du climat social passe par le respect de la convention collective et le respect des droits de tous les travailleurs, ce qui n’est pas le cas chez nous. Le thème de notre congrès cette année était suffisamment clair là-dessus, en disant qu’on fasse une offensive syndicale pour la crédibilité de la presse ; et notre offensive syndicale, c’est pour que nous puissions mettre le journaliste au centre du travail dans les médias, c’est-à-dire faire son travail et vivre décemment de son travail.
Entretien avec Adeline TCHOUAKAK