Quatrième comparution de Moussa Dadis Camara au procès du massacre du 28 septembre 2009. Il était président de la transition à l’époque de la répression sanglante de l’opposition dans le plus grand stade de Conakry. Au tribunal criminel de Dixinn, Moussa Dadis Camara a continué, ce lundi 19 décembre, à nier toute responsabilité.
Bien plus posé que la semaine dernière, l’ex-chef d’État est venu à la barre, ce lundi matin, vêtu d’un grand boubou bleu clair. « J’espère que vous allez bien aujourd’hui, M. Camara », lui demande le président du tribunal, Ibrahima Sory 2 Tounkara, au début de l’audience, rapporte notre correspondant à Conakry, Matthias Raynal.
Moussa Dadis Camara a visiblement changé de stratégie. D’un calme olympien désormais, il répond d’une voix douce : « Oui, par la grâce de Dieu. » Alors que sa comparution avait été interrompue, il y a six jours, pour lui permettre de soigner une extinction de voix, l’accusé semble avoir totalement récupéré.
Celui qui était à l’époque le président de la transition, mais également « commandant en chef des forces armées » nie toute implication dans le massacre. « Je n’avais pas l’intention d’envoyer la troupe à ce moment, sachant que la police et la gendarmerie ont cette mission régalienne [du maintien de l’ordre] », assure l’ancien chef d’État. « Je n’ai jamais envoyé des éléments au stade du 28 septembre », insiste-t-il.
Le procureur le relance, en tant que président : « Vous ne pensez pas que vous deviez user de tous vos pouvoirs pour arrêter le carnage ? » Moussa Dadis Camara botte en touche : « Grâce à quelle bague magique pouvais-je empêcher cela ? », rétorque-t-il.
« Je ne me rappelle plus »
Selon sa version, il aurait été mis au courant du massacre après que les faits ont été commis, sauf que les tueries ont continué une bonne partie de la journée du 28 septembre 2009 et le procureur le lui rappelle.
À la question de savoir pourquoi, les jours suivants, Moussa Dadis Camara a très peu évoqué les victimes dans ses déclarations officielles, l’ancien chef de la junte ne sait plus que répondre. Il explique qu’il était « sous le choc ».
« Est-ce que vous vous souvenez si les drapeaux avaient été mis en berne ? Avez-vous décrété une journée de deuil national ? », interroge le procureur. La réponse résonne dans la salle d’audience silencieuse : « Je ne me rappelle plus. »
Dadis Camara perd son calme
Lorsque vient le tour de la substitut du procureur, Djenè Cissé, au fil de ses questions, l’atmosphère se tend dans la salle d’audience. Les échanges sont de plus en plus musclés, jusqu’à la rupture.
Elle interroge Moussa Dadis Camara : « Saviez-vous qu’on qualifie votre régime de dictature ? » L’ancien chef de la junte explose. Les échanges sont vifs, Dadis est plusieurs fois rappelé à l’ordre par le président qui lui demande de se calmer. L’ancien putschiste réplique : « Je n’ai pas fait de droit, mais votre question, Madame la procureure, n’est pas celle d’un pénaliste. Ce n’est pas professionnel. » L’audience est finalement suspendue.
De retour, après la pause, Moussa Dadis Camara n’a toujours pas retrouvé son calme. Il répond désormais avec morgue aux questions.
Après le ministère public, la parole est aux parties civiles. C’est Maître Alpha Amadou DS Bah qui commence. Il tente de revenir sur les faits et gestes de l’ancien président de la transition le jour du massacre, mais Moussa Dadis Camara s’enferme dans le silence.
Il choisit les questions auxquelles il veut répondre et répète toujours le même scénario.Le 28 septembre 2009, il dit avoir été réveillé à 10h du matin par Joseph Makambo, son officier d’opération. Il est alors prévenu qu’une « grande manifestation » est en cours. Toumba, raconte-t-il, l’oblige à rester dans son bureau tandis que ce dernier part au stade pour commettre le massacre. Il n’a rien pu faire. C’est sa version des faits.
« Vous pensez qu’être président, c’est être un extraterrestre ? », lance Dadis au tribunal. Il se mue en moraliste et déclare : « Même dans une famille, aucun père ne peut dire qu’il peut maîtriser ses enfants. »
« Il donne l’impression que cette affaire n’était pas une préoccupation pour lui »
Pour sa défense, il a mis en cause nommément certains opposants à son régime, dont Alpha Condé, accusé d’avoir « savamment orchestré un complot pour l’évincer du pouvoir », rapporte notre correspondant à Conkary Mouctar Bah. Son avocat, Me Almamy Samory Traoré, dénonce en outre l’absence de preuves contre son client :
« Il estime qu’il y a des leaders qui sont derrière et nous, nous allons éventuellement le démontrer au cours de la procédure. Il y a des faits précis qui sont contenus dans l’ordonnance de renvoi de monsieur Camara devant le tribunal criminel, ce sont des faits de complicité. Il n’y a aucune preuve versée au dossier qui mette en évidence la responsabilité de Dadis ».
Me Lanciné Sylla trouve décevant que le capitaine Dadis Camara ne répond pratiquement pas aux questions posées, affirme le conseil de Toumba Diakité, son ex-bras droit et co-accusé :
« Il donne l’impression que cette affaire du 28 septembre n’était pas une préoccupation pour lui, Il donne l’impression que cette affaire a été gérée par ses ministres et non par lui, ce qui est à déplorer, c’est pourquoi je trouve que c’est tout simplement décevant ».
Peu après 17h, l’audience est suspendue. Le procès a été renvoyé à mardi 20 décembre.
RFI