L’ambition de l’Afrique d’être unie et intégrée se heurte à une réalité contraignante : malgré des initiatives telles que la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) et l’Agenda 2063, la mobilité des citoyens africains reste fortement limitée. En 2025, seulement 27 pays offrent un accès sans visa ou avec visa à l’arrivée pour les ressortissants du continent, un chiffre qui souligne les dissonances entre les objectifs politiques et la réalité migratoire.
L’Observatoire Africain de la Mobilité et de l’Intégration met en lumière des disparités profondes dans la mobilité des Africains. Tandis que certains pays comme le Bénin, la Côte d’Ivoire ou les Seychelles ont mis en place des politiques d’ouverture totale sans visa pour les citoyens africains, la majorité des États maintiennent des restrictions sévères. Le passeport du Bénin permet l’accès à 35 pays, mais d’autres pays comme l’Érythrée ou la Somalie offrent des possibilités bien plus limitées. Cette asymétrie se retrouve également dans les échanges de visas entre pays : l’Algérie, le Maroc ou le Gabon offrent un accès sans visa à plusieurs pays africains, mais n’offrent en retour que peu de facilités.
Les causes de ces restrictions sont multiples et varient selon les pays. Historiquement, les divisions politiques et économiques ont conduit à des politiques migratoires divergentes au sein du continent. L’absence d’harmonisation des politiques migratoires régionales empêche la mise en œuvre des projets phares de l’Union africaine, tels que le Passeport Africain, introduit en 2016, censé permettre aux citoyens de circuler librement à travers le continent. Cette discordance est également un frein à la réalisation des objectifs de la ZLECAf, qui vise à favoriser les échanges commerciaux et les investissements intra-africains.
Malgré ces défis, certains exemples de coopération régionale, comme ceux de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) et de l’EAC (Communauté d’Afrique de l’Est), montrent qu’une intégration réussie est possible. Ces organisations ont instauré des politiques de libre circulation pour leurs membres, y compris l’instauration de passeports communautaires et la suppression de visas. Cependant, ces avancées restent fragiles, notamment à cause des crises politiques récentes, comme celles ayant affecté certains pays du Sahel, qui ont conduit à la réduction de l’adhésion à ces accords.
Pour répondre à ces disparités, l’Observatoire préconise une réforme des politiques migratoires, insistant sur la nécessité d’adopter des visas ouverts et d’encourager la réciprocité diplomatique. La Banque africaine de développement (BAD) recommande également l’extension des politiques d’exemption de visa à l’ensemble des membres de l’Union africaine. Si une harmonisation des politiques de sécurité et une standardisation des procédures de migration semblent essentielles, des systèmes d’identification communs pourraient faciliter la mise en œuvre de ces réformes.
La ZLECAf, en vigueur depuis 2021, représente une opportunité unique pour l’Afrique de stimuler son développement. En favorisant l’intégration commerciale et en réduisant les barrières au commerce et à la circulation des personnes, elle pourrait générer jusqu’à 450 milliards USD de revenus supplémentaires d’ici 2035. Cependant, pour que cette vision se concrétise, il est impératif de surmonter les obstacles migratoires, afin de permettre aux Africains de bénéficier pleinement des opportunités économiques offertes par l’intégration régionale.
Classement des Passeports Africains en fonction de l’accessibilité intra-africain
