Au Nigeria, plus de 40 personnes, dont 18 soldats et 15 policiers, ont été arrêtées pour leur implication présumée dans un trafic d’armes à destination de groupes armés, notamment jihadistes. Cette vague d’interpellations s’inscrit dans le cadre de l’opération « Snowball », lancée en août 2024 pour démanteler les réseaux internes responsables du détournement de munitions à partir des stocks militaires officiels.
Selon le porte-parole de l’armée, Ademola Owolana, les individus arrêtés incluent aussi huit civils, parmi lesquels figure un chef traditionnel. L’enquête a révélé que des armes ont été volontairement siphonnées des dépôts de l’armée, puis revendues à des groupes terroristes. Des montants élevés ont été découverts sur les comptes bancaires des suspects, notamment un inspecteur de police et un armurier militaire, renforçant les soupçons de corruption systémique et de collusion.
Cette affaire survient dans un contexte de tensions multiples à travers le pays. Le nord-est reste en proie à une insurrection jihadiste qui dure depuis plus de quinze ans. Le nord-ouest est miné par des enlèvements pour rançon, tandis que le centre-nord subit des affrontements meurtriers entre agriculteurs et éleveurs. Dans le sud-est, les revendications séparatistes fragilisent davantage la cohésion nationale. La porosité des forces armées face aux groupes armés aggrave une situation déjà explosive.
L’armée affirme poursuivre les opérations dans onze États, dont le Borno, le Plateau, le Lagos et le Territoire de la capitale fédérale. L’objectif est clair : couper les flux logistiques internes qui permettent aux groupes terroristes de se renforcer. Le centre de recherche Conflict Armament Research estime que près de 20 % des armes utilisées par les jihadistes dans le Sahel proviennent de vols ou de détournements à partir des armées nationales, un chiffre alarmant qui pose la question de la fiabilité des institutions sécuritaires.
Cette affaire relance aussi la polémique sur les complicités présumées entre des responsables civils ou militaires et les groupes jihadistes. Le gouverneur de l’État de Borno, Babagana Zulum, a publiquement accusé certains responsables de collaborer secrètement avec Boko Haram. Selon lui, ces « taupes » internes sabotent les efforts de paix, tout en continuant de renseigner les groupes armés sur les opérations militaires.
Cette série d’arrestations met en lumière une réalité dérangeante : la déliquescence de l’appareil sécuritaire nigérian face à l’appât du gain. Tant que les circuits de corruption au sein même des forces de sécurité ne seront pas démantelés, la lutte contre l’insécurité restera une illusion. Les autorités sont désormais sous pression pour mener des enquêtes transparentes, sanctionner les coupables et restaurer la confiance dans une armée de plus en plus contestée.