Le président nigérian Bola Ahmed Tinubu a décrété ce mercredi un « état d’urgence sécuritaire national ». Cette décision, annoncée dans un contexte d’attaques et d’enlèvements massifs, vise à endiguer une insécurité chronique qui mine la stabilité du pays. Elle s’accompagne d’une série de mesures présentées comme une refonte complète de l’appareil de sécurité.
Cette déclaration intervient après une recrudescence particulièrement violente des violences. Au cours des dix derniers jours seulement, plus de 350 personnes ont été enlevées dans différentes régions du pays. Pour faire face à cette crise, le gouvernement ordonne le recrutement de 50 000 nouveaux agents de sécurité, combinant 20 000 postes supplémentaires aux 30 000 déjà approuvés. Le président a également acté la fin des services d’escorte policière pour les personnalités publiques et les célébrités, exigeant la redéploiement de ces effectifs vers des zones à risque.
Cette crise sécuritaire n’est pas nouvelle. Le Nigeria est en proie depuis plus d’une décennie à de multiples conflits : l’insurrection de Boko Haram dans le Nord-Est, les conflits entre éleveurs et agriculteurs dans la Ceinture centrale, la criminalité généralisée et les kidnappings à grande échelle partout dans le pays. L’incapacité des forces de sécurité à contenir ces menées, malgré des budgets militaires substantiels, a érodé la confiance des populations et souligne des problèmes structurels profonds, notamment la corruption et une gestion inefficace.
Les perspectives de cette nouvelle stratégie restent incertaines. Si la mobilisation des gardes forestiers pour traquer les groupes criminels dans les vastes étendues boisées du pays est une initiative notable, son efficacité opérationnelle est encore à prouver. La décision de mettre fin au pâturage libre et de promouvoir l’élevage en ranch, couplée à un désarmement urgent, vise à résoudre un conflit agropastoral meurtrier. Cependant, cette mesure socialement explosive rencontrera une forte résistance et son application sera complexe.
L’une des mesures les plus significatives est la suppression des escortes policières pour les élites. Un rapport de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile révélait récemment que plus de 100 000 policiers, sur un effectif total d’environ 371 000, étaient dédiés à la protection de personnalités plutôt qu’à la sécurité publique. Cette réaffectation des ressources, si elle est correctement mise en œuvre, pourrait notablement renforcer la présence sécuritaire dans les zones critiques.
La réussite de ce plan d’urgence dépendra de sa mise en œuvre concrète et de sa pérennité. Les annonces de recrutement devront surmonter les lourdeurs administratives et les problèmes de financement. La coordination entre l’armée, la police, les services de renseignement et les nouvelles unités de sécurité des États fédérés sera un autre défi majeur. Le président Tinubu engage ainsi sa crédibilité sur un dossier qui a contribué à l’affaiblissement de ses prédécesseurs. La population nigériane, elle, attend des actes après des années de promesses non tenues en matière de sécurité.



