La victoire de Bola Tinubu à la présidentielle nigériane, officialisée le 1er mars, a été suivie avec attention au Bénin et au Cameroun, les voisins de l’Ouest et de l’Est. Ces deux pays ont des intérêts économiques mais aussi certains contentieux passés avec le Nigeria.
Tola Tinubu, le nouveau président élu du Nigeria, recevra très bientôt une lettre de félicitations du président béninois, Patrice Talon, apprend-on de bonne source. Le volume des échanges commerciaux entre les deux pays est important, observe Jean-Luc Aplogan à Cotonou.
Mais à la frontière bénino-nigériane Sèmè-Kraké, porte d’entrée de milliers de camions et de marchandises, les Béninois n’oublient pas l’épisode de la fermeture des frontières en août 2019. Cette décision, prise unilatéralement par Abuja pour lutter contre la contrebande selon la version officielle, a eu des conséquences désastreuses pour les affaires côté béninois.
Cet épisode se passa sous Muhammadu Buhari, le président nigérian sortant. Mais son successeur vient du même camp, l’APC (Congrès des progressistes), et aux yeux de nombreux Béninois, cela ne garantit pas un changement de politique. Du côté de Sèmè-Kraké, on avait une préférence pour l’outsider de l’élection, Peter Obi, finalement arrivé troisième derrière Bola Tinubu et Atiku Abubakar.
Officiellement, les choses se sont apaisées entre les deux États. Les sujets chauds ont été abordés au sein d’une commission mixte et le blocus des frontières a été levé 16 mois après. Il reste une doléance béninoise non satisfaite : l’entrée de l’eau minérale sur le marché nigérian. La confédération des employeurs du Bénin félicite le nouveau président et plaide pour un renforcement de la coopération et le respect des accords.
Bakassi et les opportunités économiques au cœur des préoccupations camerounaises
À l’Ouest, le Nigera partage une frontière de près de 2 000 kilomètres avec le Cameroun. Et si les deux pays partagent aussi de nombreux intérêts, la coopération n’est pas toujours de tout repos, rapporte Polycarpe Essomba à Yaoundé. Des tensions frontalières l’ont souvent échaudée. L’élection de Bola Ahmed Tinubu doit-elle rassurer les Camerounais ou raviver leur méfiance ?
L’une des préoccupations est de savoir quelles sont les intentions du nouvel homme fort du Nigeria sur la question de Bakassi, cette presqu’île potentiellement riche en pétrole et en ressources halieutiques, longtemps disputée entre les deux pays et camerounaise depuis 2002, après un jugement de la cour internationale de justice.
« Je ne pense pas que le nouveau président élu du Nigeria va remettre en cause les accords de Greentree. Je pense que cette surenchère était un peu un fait de campagne, où la plupart des candidats à la présidence voulaient un peu marquer leur désaccord sur ces accords de Greentree pour essayer de ratisser large au niveau de l’électorat », estime l’homme politique Anicet Ekane, président du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem).
Le député Cabral Libii du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN), n’en pense pas moins. La question de Bakassi entre les deux États est réglée. Place maintenant à une vraie coopération économique : « Les opportunités économiques qu’offrent une coopération intensifiée avec le Nigeria n’ont pas été saisies, inexplicablement. »
Claude Abate, président du Mouvement des entrepreneurs du Cameroun (Mecam), attend et espère lui aussi que soit priorisé cette coopération économique : « La question de la priorisation de cette coopération me paraît tout à fait évidente. Comment peut-on penser devenir un pays émergent alors que nous avons un marché à côté de 250 millions de consommateurs que nous ignorons ? Ça me semble relever d’une logique qui n’est pas du tout économique. »