L’Afrique s’apprête à lancer d’ici septembre l’African Credit Rating Agency (AfCRA), sa propre agence de notation financière. Ce projet, évoqué depuis plusieurs années, doit permettre au continent de se doter d’un outil indépendant pour évaluer la solvabilité de ses États et entreprises. Initialement attendu en juin, le lancement a été repoussé de quelques mois, mais les préparatifs sont désormais en phase finale.
L’AfCRA se positionne comme une alternative crédible aux géants du secteur que sont Fitch Ratings, Moody’s et S&P Global Ratings, souvent critiqués par les dirigeants africains pour leur manque de transparence et leur approche jugée biaisée vis-à-vis des réalités économiques du continent. Pour garantir son autonomie, l’agence ne comptera aucun État parmi ses actionnaires. Son capital sera détenu par des entités privées africaines, dont certaines institutions financières régionales, une manière assumée de limiter les interférences politiques tout en renforçant la confiance dans les évaluations publiées.
Depuis des années, plusieurs dirigeants africains dénoncent les dégradations de notes infligées par les agences occidentales, jugées excessives, voire punitives. Ces décisions ont eu des effets concrets : hausse des taux d’intérêt sur les marchés obligataires, méfiance des investisseurs et amplification du narratif d’un continent à risque. L’initiative de créer une agence continentale fait écho aux appels récurrents pour une réforme du système financier international, où l’Afrique réclame davantage d’équité.
Si l’AfCRA parvient à s’imposer comme une voix fiable sur les marchés, elle pourrait redéfinir les règles du jeu pour les emprunteurs africains. Reste à voir si les investisseurs internationaux accorderont la même crédibilité à ses notations qu’à celles des agences occidentales. Le défi sera double : produire des analyses rigoureuses et maintenir une gouvernance irréprochable. L’enjeu est stratégique, car la notation conditionne l’accès aux capitaux étrangers, un besoin crucial pour des économies en quête de financement.
Au-delà de la technique financière, le lancement de l’AfCRA s’inscrit dans un mouvement plus large de reprise en main des leviers économiques du continent. Dans le sillage de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) ou des réformes de la Banque africaine de développement (BAD), cette agence reflète une volonté politique : celle de bâtir une architecture africaine autonome, plus résiliente face aux chocs exogènes. Il ne s’agit pas seulement de noter, mais de peser.
L’AfCRA devra néanmoins surmonter plusieurs obstacles : l’absence d’antériorité, la méfiance initiale de certains acteurs, et le risque d’ingérences malgré son modèle privé. Pour réussir, elle devra se montrer aussi exigeante que ses concurrentes tout en tenant compte des spécificités locales. Si elle échoue, elle confortera les critiques sur le manque de rigueur des initiatives africaines. Si elle réussit, elle ouvrira une nouvelle ère pour le financement du continent.