Trois jours avant la 26e session de la CEEAC à Malabo, le président gabonais Brice Clotaire Oligui Nguema a pris les devants. Il a été reçu mercredi 4 juin par son homologue équato-guinéen, Teodoro Obiang Nguema, pour évoquer le différend frontalier qui oppose les deux pays. Cette rencontre fait suite à la décision rendue le 19 mai par la Cour internationale de Justice (CIJ), qui a donné raison à la Guinée équatoriale sur plusieurs points du contentieux.
Lors de cette entrevue qualifiée de « courtoise » par la présidence gabonaise, les deux chefs d’État ont convenu de la création d’un comité conjoint composé d’experts techniques – diplomates, géographes, juristes – chargé de mettre en œuvre la décision de la CIJ. L’objectif affiché : résoudre les points de friction, aussi bien sur les frontières terrestres que maritimes, dans un esprit de coopération. Libreville insiste sur le caractère pacifique de cette approche, fondée sur le dialogue bilatéral.
Ce geste diplomatique intervient dans un contexte tendu pour le pouvoir gabonais. La décision de la CIJ a été accueillie avec amertume à Libreville, où elle est perçue par certains responsables et figures de la société civile comme une atteinte à la souveraineté nationale. L’enjeu est sensible : le différend porte sur des zones potentiellement riches en ressources, ce qui explique la crispation du débat interne. Face à cette pression, le président gabonais a choisi de privilégier la voie diplomatique, loin des surenchères nationalistes.
Côté équato-guinéen, la victoire juridique n’a pas donné lieu à des manifestations de triomphe. Malabo a évité de jeter de l’huile sur le feu, et a accueilli Oligui Nguema avec les honneurs. Les deux dirigeants ont profité de cette visite pour signer une série d’accords dans les domaines de la sécurité, de l’agriculture et de la diplomatie, traduisant une volonté de renforcer la coopération malgré les contentieux. Le contexte régional, marqué par des incertitudes sécuritaires, impose un minimum de cohésion entre voisins.
En abordant ce dossier épineux dans un cadre bilatéral et apaisé, Malabo et Libreville ouvrent une séquence diplomatique dont les effets pourraient dépasser le seul cadre du litige frontalier. L’initiative du président gabonais, qui s’est déplacé avant même l’ouverture officielle du sommet régional, traduit un souci de désamorcer la crise avant qu’elle ne s’envenime. Mais tout dépendra de la suite : la mise en œuvre concrète des engagements pris, la transparence des discussions et la gestion des attentes nationales.