Les chercheurs prévoient de déployer un nouveau vaccin contre le paludisme l’année prochaine après que des tests sur des enfants en Afrique de l’Ouest ont révélé qu’il avait une efficacité pouvant aller jusqu’à 80 %.
Plus de 100 candidats vaccins contre le paludisme ont fait l’objet d’essais sur l’homme au cours des dernières décennies, mais aucun n’avait auparavant atteint l’objectif d’efficacité de plus de 75 % fixé par l’Organisation mondiale de la santé.
Les scientifiques ont averti que les progrès étaient au point mort dans la lutte contre cette maladie transmise par les moustiques , qui a causé plus de 640 000 décès en 2020, la majorité d’entre eux étant des enfants en Afrique subsaharienne.
Des chercheurs de l’Université d’Oxford (Royaume6Uni)et de l’Institut de recherche en sciences de la santé (IRSS) de Nanoro au Burkina Faso, affirment qu’une injection de rappel du vaccin candidat contre le paludisme, appelé R21, a montré une efficacité de 80% sur les enfants qui ont reçu la dose la plus élevée un an après un premier traitement en trois doses.
Une efficacité de 78 % a été maintenue pendant deux ans après l’administration du rappel au cours de l’essai impliquant 450 enfants âgés de cinq à 17 mois à l’unité de recherche clinique de Nanoro. Il n’y a pas eu d’effets secondaires graves, disent les chercheurs.
Halidou Tinto, directeur régional de l’IRSS, professeur de parasitologie et chercheur principal de l’essai, confie à SciDev.Net que « ceci est encore une première dans l’histoire de la recherche du vaccin contre le paludisme. »
« Cela veut dire que nous pouvons maintenir une efficacité de plus de 75% sur le long terme si nous administrons une dose de rappel et cela devra permettre aux enfants vivant dans des régions d’endémie palustre comme le Burkina d’être très bien protégés contre le paludisme à l’âge où ils sont le plus vulnérables », ajoute-t-il.
Le vaccin – que Halidou Tinto décrit comme une version améliorée du vaccin RTS,S en cours de déploiement dans un certain nombre de pays africains – avait déjà montré une efficacité de 77% la première année lors d’un essai antérieur en 2021.
L’essai de phase deux a été prolongé de deux ans pour voir si des doses de rappel supplémentaires sont nécessaires pour maintenir cette efficacité élevée dans le temps.
Le chercheur burkinabé se dit « optimiste » sur le fait que les derniers résultats puissent également être reproduits dans un essai de phase trois en cours impliquant 4 800 enfants au Burkina Faso, au Mali, au Kenya et en Tanzanie. Les résultats sont attendus plus tard cette année.
Déploiement en 2023
Le vaccin R21, développé à l’Institut Jenner de l’Université d’Oxford, est autorisé pour la production par le Serum Institute of India (SII).
« D’ores et déjà, nous envisageons en collaboration avec nos partenaires (…) d’entreprendre à partir de 2023 un déploiement programmatique de R21 sur une population d’au moins 250 000 enfants au Burkina Faso afin d’accélérer l’agenda de déploiement de ce vaccin à large échelle en Afrique», affirme Halidou Tinto.
Il ajoute que SII s’était engagé à produire au moins 100 à 200 millions de doses du vaccin R21 par an sous réserve que l’OMS émette une recommandation pour son déploiement.
« Cela viendra suppléer le seul vaccin actuellement recommandé par l’OMS (RTS,S) dont la capacité de production actuelle ne peut pas permettre de satisfaire la demande mondiale », dit le chercheur.
RTS,S, le premier vaccin antipaludique au monde, a été recommandé par l’OMS en octobre 2021 pour une utilisation chez les enfants à risque en Afrique subsaharienne et dans d’autres régions à transmission modérée à élevée du paludisme causé par le parasite Plasmodium falciparum.
Cependant, les scientifiques ont souligné la nécessité de poursuivre le développement de vaccins et d’investir dans la recherche.
Le directeur de l’Institut Jenner, Adrian Hill, co-auteur de l’étude sur R21 publiée dans le Lancet Infectious Diseases , déclare qu’il s’agit « des meilleures données à ce jour » de tout vaccin contre le paludisme.
« Nous sommes ravis de constater qu’un régime de vaccination standard à quatre doses peut désormais, pour la première fois, atteindre le niveau d’efficacité élevé sur deux ans qui a été un objectif ambitieux pour les vaccins antipaludiques pendant tant d’années », souligne-t-il.
Adrian Hill indique également que ce vaccin offrirait une « protection durable » au groupe le plus important qui en a besoin : les jeunes enfants africains. Mais il souligne que la précision de 77% du vaccin dépendait d’autres mesures de contrôle telles que les insecticides et les moustiquaires, qui devraient continuer à être utilisées.
« Scientifiquement parlant, on peut dire que RTS,S souffrait d’une saturation de la réponse immunitaire induite par un excès des antigènes de surface du virus de l’hépatite B. C’est partant de ce constat que l’équipe du professeur Adrian Hill a procédé à une simplification de la constitution de RTS,S en réduisant la quantité de l’antigène HBs, permettant ainsi une meilleure réponse immunitaire contre le parasite », compare Halidou Tinto.
Selon ses explications, un autre changement « majeur » est l’utilisation, pour R21, d’un adjuvant autre que celui qui avait été utilisé dans le cadre du développement de RTS,S
Efficacité dans les conditions réelles
James Tibenderana, qui prendra la direction générale de l’organisation à but non lucratif Malaria Consortium en octobre 2022, a qualifié les résultats ces essais de « remarquables ».
Tibenderana, qui n’a pas participé aux essais de R21 a déclaré que le développement et le déploiement rapides des vaccins contre la COVID-19 ont montré qu’il était possible de raccourcir le délai de développement et de distribution des vaccins tout en atténuant les risques.
« J’espère que ces résultats motiveront des investissements accrus et soutenus dans la recherche et le développement de vaccins antipaludiques, et leur accès équitable, car ils préviennent les infections paludéennes et sauvent des vies », dit-il.
Sur un tout autre plan, Halidou Tinto rappelle que le paludisme sévit principalement en Afrique plus que nulle part ailleurs et que par conséquent, il est de bon ton que les solutions à cette maladie soient recherchées sur le sol africain.
« Sur le plan purement scientifique, réaliser les essais vaccinaux en Afrique nous assure que l’efficacité d’un candidat vaccin à l’issue de l’essai reflètera sa performance dans les conditions réelles de son utilisation et qu’elle ne sera pas différente du fait d’une variabilité du faciès épidémiologique ou de la diversité génétique des parasites du paludisme », affirme le chercheur.
Il conclut en disant que la conduite de ces essais en Afrique contribue également au renforcement des capacités des instituts de recherche du continent à travers la formation ainsi que celle des autorités de régulation pharmaceutique qui « seront plus performantes ».
Sciedev.net afrique