À moins d’un an de l’élection présidentielle camerounaise prévue pour octobre 2025, la potentielle candidature de Paul Biya suscite un débat inédit, alimenté par des prises de position inattendues de la part des évêques. Lors d’une interview le 25 décembre, Monseigneur Kleda, archevêque de Douala, a qualifié cette éventualité de « pas réaliste », une déclaration qui a fait écho chez d’autres prélats et a trouvé un écho significatif auprès des fidèles catholiques.
L’archevêque de Douala n’est pas le seul à s’être exprimé. Ses homologues de Ngaoundéré et de Yagoua ont également rejeté l’idée d’un nouveau mandat pour Paul Biya, âgé de 92 ans, et président depuis 43 ans. Ces propos, rares dans un contexte où l’Église camerounaise est souvent perçue comme proche du pouvoir, ont ouvert un espace de réflexion sur le rôle des hommes de Dieu dans les affaires politiques.
Cette prise de parole intervient dans un climat de mécontentement généralisé parmi les Camerounais, qui critiquent un régime qu’ils jugent vieillissant et peu adapté aux défis actuels du pays. Depuis des années, les appels au renouvellement politique se multiplient, bien que la présidence ait jusqu’ici maintenu un silence prudent sur les intentions de Paul Biya pour 2025. Le positionnement des évêques pourrait marquer un tournant en brisant un tabou dans le débat public.
Si les déclarations des évêques ont trouvé un écho favorable auprès de nombreux Camerounais, elles divisent aussi. Certains, comme Éric, dénoncent une immixtion de l’Église dans les affaires d’État, estimant que les religieux devraient se limiter à leurs missions spirituelles. D’autres, à l’instar de Joseph, considèrent ces prises de position comme le reflet des attentes d’une population aspirant à un changement politique.
Le débat dépasse le cadre politique pour toucher à des croyances profondément ancrées. Certains fidèles, comme Raphaël, invoquent la volonté divine pour décider de l’avenir du président Biya. Cette approche souligne le rôle complexe de la religion dans une société où le politique et le spirituel s’entrelacent souvent, parfois au prix de tensions.
En brisant leur traditionnel devoir de réserve, les évêques camerounais prennent le risque de fracturer davantage une société déjà polarisée. Mais ils révèlent aussi un malaise croissant face à un régime de plus en plus contesté. Leur intervention soulève une question cruciale : l’Église peut-elle continuer à se tenir à l’écart des défis sociopolitiques d’un Cameroun en quête de renouveau ?