À la surprise générale, Maurice Kamto a déposé sa candidature à la présidentielle camerounaise ce vendredi, mais pas sous la bannière de son parti habituel, le MRC. C’est en tant que candidat investi par le Manidem, un petit parti de gauche, qu’il entend briguer la magistrature suprême. Un choix inattendu qui bouleverse le paysage politique à Yaoundé à quelques mois du scrutin.
Cette investiture par le Manidem, gardée secrète jusqu’à l’annonce officielle, a été interprétée par plusieurs analystes comme un coup stratégique. Le MRC, qui avait boycotté les législatives et municipales de 2020, restait en retrait depuis plusieurs années. Or, Kamto et ses soutiens ont entretenu l’idée d’un retour électoral sans jamais révéler leurs intentions exactes. Le ralliement du Manidem, négocié dans la plus grande discrétion, semble avoir permis à Kamto de contourner certains blocages institutionnels.
Le contexte institutionnel rend cette candidature particulièrement fragile. Maurice Kamto, toujours président du MRC jusqu’à récemment, aurait selon ses proches été contraint de démissionner de sa formation pour se conformer aux exigences du code électoral. Cette démission a-t-elle été notifiée officiellement à l’administration ? C’est la question soulevée par des membres de la majorité, comme le ministre Jean de Dieu Momo ou Grégoire Owona du RDPC, qui pointent des vices de procédure susceptibles d’invalider sa candidature.
À ce stade, seule l’instance électorale Elecam, ou éventuellement le Conseil constitutionnel en cas de contentieux, pourra trancher la validité du dossier de Kamto. Le risque d’invalidation n’est pas écarté, d’autant que les autorités locales semblent ne pas avoir été formellement informées de sa démission du MRC. Un vide administratif que le pouvoir pourrait utiliser pour affaiblir une candidature jugée menaçante.
L’onde de choc provoquée par cette annonce dans les cercles proches du pouvoir témoigne de l’effet escompté. « La preuve que ce choix a été le bon, c’est que le pouvoir est affolé », a déclaré Anicet Ekane, président du Manidem. En relançant Kamto sur la scène électorale tout en court-circuitant les prévisibles interdictions du MRC, cette manœuvre offre à l’opposant un nouveau souffle. Reste à voir si la justice électorale camerounaise confirmera cette percée ou y mettra un terme.
Ce tournant marque aussi une reconfiguration du rapport de forces au sein de l’opposition camerounaise. Kamto joue une carte risquée mais habile, qui pourrait redéfinir les alliances politiques et forcer le régime à revoir sa stratégie. En misant sur une formation politique marginale mais reconnue légalement, il tente de contourner les verrous institutionnels qui ont longtemps empêché toute alternance crédible au Cameroun. Le sort de sa candidature pourrait bien être le premier test réel d’un processus électoral que d’aucuns jugent verrouillé.