À deux jours du scrutin présidentiel du 12 avril 2025, la question de la dette gabonaise s’impose comme un sujet central de la campagne électorale. Huit candidats sont en lice pour le poste de président, mais c’est Brice Clotaire Oligui Nguema, le chef de la transition, et son principal adversaire, Alain-Claude Billie-By-Nze, qui se livrent à un affrontement particulièrement acerbe sur la gestion financière du pays. Si Oligui Nguema défend les actions du gouvernement de transition, Billie-By-Nze l’attaque frontalement sur la question de l’endettement, qu’il considère comme mal géré et opaque.
Alain-Claude Billie-By-Nze, ancien Premier ministre d’Ali Bongo, a récemment émis des critiques virulentes concernant la gestion de la dette sous le régime de la transition. Dans une interview accordée à la chaîne Africa 24, il a dénoncé ce qu’il considère comme des « dettes cachées » et des pratiques de financement opaque. Selon lui, les autorités actuelles ont recours à des emprunts non transparents, à des dettes internes et externes non comptabilisées, notamment vis-à-vis des « fonds vautour ». Il a ajouté que la dette gabonaise était de l’ordre de 8 500 milliards de francs CFA, un chiffre bien supérieur à celui avancé par le gouvernement, qui annonce une dette de moins de 7 000 milliards de francs CFA.
La question de l’endettement du Gabon s’inscrit dans un contexte économique et politique complexe. Le pays, riche en ressources naturelles, a souffert de la baisse des prix du pétrole, principal moteur de son économie, ce qui a exacerbé ses difficultés financières. Depuis l’accession au pouvoir d’Ali Bongo en 2009, la dette gabonaise n’a cessé d’augmenter, et le pays a souvent été en situation de défaut de paiement. L’élection d’Oligui Nguema à la tête du pays en 2023, suite à la démission forcée de Bongo, a marqué une rupture avec la gestion précédente, avec des engagements fermes de redressement financier, dont la gestion de la dette.
À l’approche de la présidentielle, les perspectives concernant la gestion de la dette gabonaise sont partagées. D’un côté, les autorités actuelles mettent en avant le remboursement des échéances de la dette, affirmant que le pays honore désormais ses engagements vis-à-vis de ses créanciers, y compris la Banque mondiale, après des retards de paiement significatifs. Toutefois, ces actions ne dissipent pas totalement les inquiétudes concernant la viabilité à long terme des finances publiques, surtout avec les prévisions des agences de notation et les attentes vis-à-vis du FMI, dont l’intervention est attendue d’ici la fin de l’année.
Les soutiens du gouvernement actuel, comme la ministre de la Communication, Laurence Ndong, rétorquent vivement aux critiques. Selon eux, l’équipe en place a mis fin à des pratiques de gestion irresponsable et a restauré la crédibilité du Gabon à l’international en régularisant ses dettes. Pour eux, les difficultés économiques héritées de l’ère Bongo justifient des ajustements difficiles mais nécessaires. Les élections à venir détermineront non seulement la direction politique du pays, mais aussi la capacité de la transition à maintenir une trajectoire de redressement tout en répondant aux attentes populaires.
Le débat autour de la dette gabonaise soulève un enjeu majeur pour l’avenir économique du pays. D’un côté, la gestion de la transition présente des signes de redressement, mais la question de la soutenabilité de la dette reste un défi de taille. Le prochain président devra choisir entre continuer sur cette voie de réformes, quitte à faire face à une pression continue des bailleurs de fonds et des institutions internationales, ou opérer un changement radical dans la gestion des finances publiques pour rompre avec les pratiques du passé.