La 24e conférence sur le sida qui vient de se tenir du 29 juillet au 2 août 2022 à Montréal au Canada a permis aux chercheurs travaillant dans le domaine de rappeler les outils novateurs qui permettent de lutter contre cette maladie.
C’est le cas de la PrEP (prophylaxie préexposition) mise en place depuis environ deux ans dans un certain nombre de pays dans le monde. « Elle consiste à donner un traitement antirétroviral (ARV) à des personnes qui sont séronégatives pour éviter qu’elles ne s’infectent. On va le proposer aux personnes qui sont très fortement exposées par rapport au VIH », indique Joseph Larmarange, démographe en santé publique et chargé de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD).
Ce dernier précise par ailleurs que la démarche va consister à cibler les personnes vulnérables, précisément les travailleuses de sexes, les hommes qui ont des rapports avec d’autres hommes, des consommateurs de drogues et notamment les jeunes filles…
Pour autant, si la version orale de la PrEP est plus efficace, son adoption, apprend-on, reste complexe en Afrique. Au Cameroun par exemple où son implémentation n’est pas « systématique », à en croire Mireille Mpoudi-Etame, chercheure à l’Agence française de recherches sur le sida (ANRS) et médecin à l’hôpital militaire de Yaoundé au Cameroun.
« Pour ce que j’en sais, en ce qui concerne le VIH, nous ne faisons pas la PrEP de manière systématique au Cameroun. Elle est offerte principalement dans le cadre des couples sérodiscordants ou alors là où il y a un risque connu en post-exposition comme une exposition au sang ou comme un viol », affirme-t-elle.
Par exemple, « dans les couples sérodiscordants, quand le mari ou la femme est infecté, l’autre époux peut prendre un traitement antirétroviral pour ne pas être contaminé. C’est la situation la plus classique où la prévention avec les ARV est appliquée au Cameroun », illustre Mireille Mpoudi-Etame.
En plus de la PrEP, les chercheurs évoquent aussi l’auto-dépistage réalisé au niveau individuel, mais aussi « un outil qui marche toujours », selon Joseph Larmarange, à savoir les préservatifs masculin et féminin.
4200 nouveaux cas chaque semaine en Afrique
Selon les chiffres de l’ONUSIDA, près de 38,4 millions de personnes vivaient avec la maladie en 2021. De même, 1,5 million de personnes sont devenues nouvellement infectées et près de 650 000 autres personnes sont décédées de maladies liées au SIDA cette même année.
Avec près de 25,6 millions de personnes vivant avec le VIH/sida, l’Afrique subsaharienne demeure le continent le plus touché. En effet, la conférence de Montréal nous apprend que 4200 filles et femmes âgées de 15 à 25 ans en Afrique subsaharienne contractent le VIH/sida chaque semaine.
Aimable Mwananawe, coordonnateur national de l’ONG IMRO du Rwanda qui a pris part à cette rencontre, confirme cette tendance : « En Afrique, le taux de prévalence est le plus élevé, c’est pourquoi nous focalisons nos interventions dans les groupes ciblés et chez les jeunes de 15 à 36 ans », indique-t-il.
Pour un meilleur résultat, « nous essayons de développer des messages appropriés pour les groupes cibles les plus menacés par le VIH. Avec les récentes recherches nous sommes en train de segmenter et de nous intéresser aux groupes à haut risque, par exemple, les travailleurs de sexe, les homosexuels », ajoute Aimable Mwananawe.
Seulement, la stigmatisation des populations cibles, les conditions économiques précaires, constituent une véritable entorse pour l’implémentation des différents programmes de prévention. Selon le Aflodis Kagaba, directeur exécutif de Health Development Initiative au Rwanda, il faut conjuguer les efforts des différents acteurs de la société, si l’on veut atteindre de bons résultats.
« Nous avons commencé à cibler ces populations, mais c’est compliqué. Dans de nombreux pays africains, l’homosexualité est criminalisée. Nous avons commencé à travailler au Rwanda et nous avons recensé plus de 5000 hommes dans ce groupe, on travaille également avec les travailleuses de sexe », déclare-t-il.
« Nous avons également commencé à travailler avec le gouvernement pour décriminaliser les drogues et pour permettre de le faire de manière clinique. Quand la loi pénalise, c’est compliqué de les éduquer. Car pour le faire, il faut être capable de faire le lien entre eux et les services de santé. Mais on continue d’éduquer les populations, pour limiter la stigmatisation », explique Aflodis Kagaba.
“Indétectable” égale “intransmissible”
Si les différents spécialistes s’accordent sur le fait que la stigmatisation en contexte africain est un frein dans la lutte contre le VIH/sida, la situation économique précaire reste également une autre pesanteur.
Pour Joseph Larmarange qui a fait des recherches dans plusieurs pays du continent à l’instar de la Côte d’Ivoire, le Cameroun, Sénégal, l’Afrique du Sud, Mali et Burkina Faso, face à cet accès difficile aux nouveaux outils comme une PrEP orale, un bilan de santé régulier et le dépistage restent le début du processus.
« C’est l’entrée dans la prise en charge pour les personnes séropositives, et dans les programmes de prévention pour celles qui sont séronégatives. Connaître son statut est important, mais aussi se re-tester lorsqu’on prend des risques. Le plus important, c’est traiter les personnes positives, et il faut passer le message que “i égale i”, ce qui veut dire que “indétectable égale intransmissible” », soutient-il.
Selon les explications de ce chercheur, cela signifie concrètement qu’une personne séropositive qui est sous traitement ARV, aujourd’hui, ne transmet plus le virus.
Cependant, il faut déconstruire les idées mal reçues sur le VIH, communiquer sur les évolutions et changer la perception fatale que beaucoup de personnes gardent de la maladie, car l’objectif visé est non pas de baisser la prévalence, mais d’obtenir zéro décès et zéro nouvelle infection, concluent les chercheurs.
Scidev