Vingt-quatre heures après la levée de son immunité parlementaire par le Sénat congolais, Joseph Kabila est sorti de son silence. Dans une allocution de 45 minutes diffusée en ligne le 23 mai au soir, l’ancien président de la République démocratique du Congo (RDC) a dénoncé de « décisions arbitraires » et a annoncé son intention de se rendre prochainement à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu. Il s’en est pris frontalement au pouvoir en place, sans toutefois citer explicitement le président Félix Tshisekedi.
Cette intervention marque le retour public de Kabila, resté discret depuis son départ du pouvoir en 2019. « Briser ce long silence » était devenu indispensable selon lui, non pas pour sa personne mais pour la « Nation congolaise », a-t-il affirmé. Se présentant en défenseur du peuple, il a critiqué le gouvernement actuel, l’accusant de contre-performances et de se défausser sur autrui. Sa déclaration laisse entendre une volonté de reprendre l’initiative politique dans un contexte où son avenir judiciaire pourrait s’assombrir.
Le contexte dans lequel Kabila s’exprime est marqué par des tensions politiques croissantes et une situation sécuritaire fragile, en particulier dans l’est du pays. Il décrit la RDC comme un « État failli, désintégré, au bord de l’implosion », gouverné selon lui par « la volonté d’un seul homme ». Sans citer le chef de l’État, il a dénoncé des « remises en cause intentionnelles de la Constitution » et des institutions qu’il qualifie d’illégitimes. Il a également souligné l’abandon d’instruments internationaux ayant permis la stabilité régionale.
Kabila a terminé son discours en lançant un « pacte citoyen » en 12 points, invitant à restaurer la paix, à neutraliser les groupes armés et à réconcilier les Congolais. Cet appel vise à contrer ce qu’il décrit comme un risque d’effondrement généralisé du pays. Il s’est présenté à la fois en « militaire prêt au sacrifice suprême » et en promoteur de la démocratie et de la cohésion nationale. Cette posture contraste avec l’image d’un ancien président replié sur lui-même ces dernières années.
L’annonce d’un déplacement à Goma, région particulièrement touchée par les violences armées, semble indiquer une volonté de revenir au-devant de la scène politique. En se positionnant comme défenseur des Congolais face à un État défaillant, Kabila cherche peut-être à préparer un retour plus actif, voire à peser sur les échéances politiques à venir. Ses déclarations renforcent l’idée d’une possible recomposition du paysage politique congolais.
Fait notable, l’ancien président n’a pas abordé directement les accusations à son encontre qui ont conduit à la levée de son immunité. Il s’est concentré sur des critiques générales du pouvoir en place, esquivant le fond des dossiers judiciaires qui pourraient le viser. Ce choix alimente les spéculations sur ses intentions réelles et sur les conséquences qu’auront ses propos dans un climat politique déjà tendu.