Lors d’un point de presse mardi 20 décembre, la porte-parole du Quai d’Orsay a exhorté Kigali à respecter les processus de Luanda et de Nairobi visant à mettre fin aux hostilités au Nord-Kivu où l’ancienne rébellion a repris les armes il y a un an.
« Le Rwanda, car il faut le nommer, doit cesser ce soutien au M23 », a déclaré à Kinshasa mardi 20 décembre Chrysoula Zacharopoulou, la secrétaire d’État auprès de la ministre des Affaires étrangères. Une sortie saluée par le ministre congolais de la Communication. Patrick Muyaya estime néanmoins que cela aurait pu intervenir plus tôt et qu’il faut aller plus loin : « condamnation, sanction, justice et réparation », dit-il.
C’est la première fois que la France évoque ouvertement ce lien entre le M23 et le Rwanda; une véritable évolution de la ligne diplomatique. Jusqu’ici, la France avait plutôt opéré ces dernières années un rapprochement avec les autorités de Kigali. Le président Macron a assez vite voulu se distinguer de ses prédécesseurs. C’est pour ça que Paris a notamment soutenu la candidature de Louise Mushikiwabo à la tête de la Francophonie en 2018. À cette époque, elle était la ministre rwandaise des Affaires étrangères.
C’est aussi dans ce sens-là qu’a été mise en place la commission Duclert, chargée de faire la lumière sur le rôle de la France lors du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994. Rapport qui a établi « un ensemble de responsabilités lourdes et accablantes » de Paris. Et puis surtout, il y a eu un voyage officiel du président Macron au Rwanda en 2021.
À cela s’ajoute la présence de l’armée rwandaise au Mozambique pour lutter contre les jihadistes au Cabo Delgado, où la France a des intérêts avec un projet d’exploitation gazier pour l’entreprise Total.
« Une anticipation du rapport des experts de l’ONU »
Un chercheur spécialiste de la zone explique ce changement de cap comme « une anticipation du rapport des experts de l’ONU sur la situation à l’est de la RDC ». Ce rapport, attendu dans les prochaines heures, ajoute cet analyste, doit pointer une nouvelle fois le soutien du Rwanda au M23. Une nouvelle fois puisqu’en août un premier rapport avait déjà évoqué ce lien.
Ce nouveau document contiendrait des preuves « accablantes », toujours selon les spécialistes de la région. Et ce rapport est déjà depuis plusieurs jours aux mains des diplomates à New York. On peut donc en déduire qu’il s’agit d’un coup de pression pour la diplomatie occidentale.
Parce que jusqu’ici finalement, le seul pays à avoir affiché clairement sa position, ce sont les États-Unis. La diplomatie américaine a plusieurs fois pointé le lien Rwanda/M23 et a plusieurs fois officiellement demandé que ce soutien cesse.
Quid des autres chancelleries
Un rapport qui vient aussi appuyer les efforts diplomatiques congolais de ces derniers mois. « Voyons si les autres vont suivre aussi », s’interroge un expert. Les autres, ce sont surtout la diplomatie européenne et le Royaume-Uni.
Du côté du Parlement européen, un pas a déjà été fait il y a quelques semaines. Fin novembre, il avait officiellement demandé au « Rwanda de ne pas soutenir le M23 ». Mais tout est dans la formulation : ce n’était pas une condamnation comme celle de la France. En revanche, du côté de l’Union européenne, et notamment de la Commission, il n’y a pas eu encore de déclaration en ce sens.
Le Royaume-Uni de son côté, qui fait partie des voix importantes de la diplomatie occidentale, a des intérêts importants avec Kigali. Les deux pays ont conclu un accord controversé qui prévoit que le Rwanda accueille les migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni le temps d’examiner leur demande d’asile. Et lundi, la justice britannique a reconnu la légalité de cet accord. On imagine donc que ce sera difficile pour le Royaume-Uni de condamner le soutien rwandais au M23.
RFI