Le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) en République démocratique du Congo a décidé, le 9 juin 2025, de transformer en « recommandation » l’interdiction initiale imposée aux médias de couvrir les activités de Joseph Kabila et de son parti, le PPRD. La mesure, annoncée une semaine plus tôt, interdisait toute diffusion ou publication liée à l’ancien président, actuellement en séjour à Goma, ville partiellement sous le contrôle du M23.
Cette volte-face du régulateur congolais intervient après une réunion plénière durant laquelle les membres du CSAC ont choisi d’assouplir la mesure initiale, en invoquant la nécessité pour les médias de faire preuve de « professionnalisme » et d’éviter tout contenu susceptible de « démoraliser les forces armées ». En d’autres termes, la ligne rouge ne concerne plus directement Kabila ou le PPRD, mais le ton et le contenu des publications sur le contexte sécuritaire et politique actuel.
La première décision du CSAC avait été prise alors que Joseph Kabila se trouvait à Goma, dans une zone instable de l’est de la RDC. Cette région est en partie sous l’emprise du groupe armé M23, accusé par Kinshasa d’être soutenu par le Rwanda. Le séjour de l’ex-président dans cette zone sensible avait suscité des inquiétudes politiques, d’autant que son parti tente de réactiver son influence à l’approche des prochaines échéances électorales. Le PPRD, marginalisé depuis la fin du mandat de Kabila, pourrait chercher à tirer parti de la situation.
L’embargo médiatique décrété le 2 juin par le CSAC avait été perçu comme un geste fort, voire une atteinte à la liberté de la presse. Il ciblait non seulement les médias classiques, mais également les plateformes numériques et les réseaux sociaux, avec la menace de sanctions en cas de diffusion de contenus liés à Kabila ou au PPRD. La décision d’assouplir cette position traduit à la fois une volonté d’apaisement et un certain embarras face aux critiques internes et internationales.
La formulation retenue par le CSAC reste cependant floue. Si les médias sont désormais autorisés à couvrir les activités de l’ancien président, cette liberté reste conditionnée au respect de lois parfois interprétées de manière restrictive. L’appel à ne pas publier de contenus « démoralisants » pour l’armée ou à ne pas relayer les messages des « agresseurs » laisse place à une large marge d’interprétation, qui pourrait nourrir l’autocensure dans les rédactions.
Cet épisode illustre les tensions persistantes entre pouvoir politique, opposition historique et médias en RDC. Joseph Kabila, bien que retiré officiellement de la scène depuis 2019, reste une figure dont la seule présence à l’est du pays dérange. Le recul du CSAC n’efface pas le malaise : il révèle une régulation instrumentalisée, dans un climat où la neutralité du régulateur reste sujette à caution. Pour les médias congolais, la ligne de crête reste étroite : informer sans franchir des limites mouvantes.