Le ministre congolais de la Justice, Constant Mutamba, a été interdit de sortie de la capitale, Kinshasa, dans le cadre d’une enquête pour détournement présumé de fonds publics. Cette décision a été prise par le procureur général près la Cour de cassation, Firmin Mvonde Mambu, après la levée de son immunité parlementaire par l’Assemblée nationale.
Cette interdiction a été notifiée à la Direction générale de migration (DGM) le 17 juin. Elle découle d’une enquête sur un paiement anticipé de 19 millions de dollars que le ministre aurait autorisé en avril 2025 à la société Zion Construction, pour la construction d’une prison à Kisangani. Selon le parquet, l’entreprise bénéficiaire, sans structure opérationnelle reconnue, aurait reçu les fonds sur un compte privé non autorisé, sans qu’aucun chantier n’ait été engagé.
C’est au lendemain du vote d’une résolution en plénière que la justice a décidé de restreindre les déplacements de Constant Mutamba. Le dimanche 15 juin, 322 députés sur 363 se sont prononcés pour la levée de son immunité, ouvrant ainsi la voie à des poursuites pénales. La procédure s’est appuyée sur les articles 153 et 166 de la Constitution et sur les conclusions d’une commission spéciale mise en place quelques jours plus tôt.
Mutamba, qui rejette l’ensemble des accusations et dénonce une “cabale politique”, avait tenté de récuser le procureur général, sans succès. L’affaire pourrait être portée devant la Cour de cassation, seule compétente pour juger les membres du gouvernement en fonction. Ce dossier pourrait aussi mettre en lumière les pratiques opaques de passation de marchés publics dans le pays.
Pour Vital Kamerhe, secrétaire général de l’Assemblée nationale, cette affaire représente “un tournant important dans l’affirmation de la responsabilité politique et judiciaire des membres du gouvernement”. Le signal est clair : les autorités entendent montrer une volonté politique renouvelée de lutter contre la corruption, un fléau endémique en RDC.
Cette procédure, bien que légale, intervient dans un climat politique tendu à l’approche de réajustements gouvernementaux. Certains observateurs y voient une instrumentalisation de la justice à des fins politiques, tandis que d’autres y lisent un test grandeur nature pour l’indépendance de la magistrature congolaise. Le dossier Mutamba, au-delà de sa dimension judiciaire, pose donc aussi la question de l’équilibre des pouvoirs en RDC.