Félix Tshisekedi a officialisé, dans la nuit du 7 au 8 août, la composition de son nouveau gouvernement dirigé par la Première ministre Judith Suminwa. Sans réduire le nombre de ministres — 53 comme dans le précédent exécutif — le président congolais a tout de même procédé à des ajustements notables. L’entrée d’Adolphe Muzito, ancien Premier ministre, et de Floribert Anzuluni, ex-figure de la société civile, marque un signe d’ouverture, mais en restant dans les limites du contrôle présidentiel.
La principale surprise est la nomination d’Adolphe Muzito comme vice-Premier ministre en charge du Budget. Ancien inspecteur des finances, puis Premier ministre sous Joseph Kabila, il signe son retour après treize ans d’absence. Sa présence au Budget — qu’il avait déjà brièvement dirigé — consolide le virage technocratique du gouvernement. Autre nomination notable : Floribert Anzuluni, ex-coordonnateur du mouvement citoyen Filimbi et candidat à la présidentielle de 2023, obtient le ministère de l’Intégration régionale. À la Justice, on retrouve Guillaume Ngefa-Atondoko, ancien responsable des droits de l’homme de l’ONU au Mali, expulsé en 2023.
Ce remaniement intervient à la suite de la réélection de Tshisekedi pour un second mandat en décembre 2023. Avec une majorité parlementaire acquise, le chef de l’État avait les mains libres pour recomposer l’équipe gouvernementale. Mais plutôt que d’opter pour une rupture ou un large gouvernement d’ouverture, il a choisi de reconduire l’essentiel des poids lourds de son précédent exécutif, tout en intégrant quelques profils susceptibles d’élargir sa base de soutien, notamment du côté de l’opposition modérée ou de la société civile.
L’absence de figures issues de l’opposition radicale ou de la société civile indépendante montre que l’ouverture reste contrôlée. Le choix de Muzito, qui s’était progressivement rapproché du pouvoir, et d’Anzuluni, plus modéré ces derniers mois, illustre une volonté d’élargir les alliances politiques sans déstabiliser l’architecture de pouvoir mise en place. Ce choix stratégique pourrait renforcer la stabilité institutionnelle à court terme, mais aussi entretenir le scepticisme d’une partie de la population en quête d’un véritable renouvellement.
Plusieurs ministres clés conservent leur poste : Doudou Fwamba aux Finances, Thérèse Kayikwamba aux Affaires étrangères, Patrick Muyaya à la Communication, et Julien Paluku au Commerce extérieur. Les vice-Premiers ministres sont également maintenus, parmi eux Jean-Pierre Bemba aux Transports, Guy Kabongo à la Défense, et Jean-Pierre Lihau à la Fonction publique. Cette continuité confirme la volonté de Tshisekedi de maintenir une ligne gouvernementale stable, appuyée sur des personnalités expérimentées et loyales.
L’arrivée de Grâce Kutino au ministère de la Jeunesse, jeune pasteure d’une Église de réveil, illustre un autre aspect du remaniement : une volonté d’intégrer des profils plus jeunes et ancrés dans la société. Si son profil religieux pourrait séduire une partie de l’électorat chrétien évangélique, il soulève aussi des questions sur la séparation des sphères religieuse et politique. Quoi qu’il en soit, l’équipe Suminwa devra rapidement démontrer son efficacité dans un contexte socio-économique tendu, marqué par des défis sécuritaires persistants à l’est du pays.