Un projet de loi récemment déposé au Congrès américain, porté par le républicain Bill Huizenga, propose de conditionner le soutien des États-Unis aux initiatives du Fonds monétaire international (FMI) concernant les pays membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). L’une des conditions majeures de cette législation, dénommée “CEMAC Act”, serait qu’une évaluation complète des réserves de change brutes de la sous-région soit réalisée avant toute aide. Cette mesure concerne principalement les six États membres de la CEMAC : le Cameroun, le Gabon, le Tchad, le Congo, la Centrafrique et la Guinée équatoriale.
Le projet de loi américain se concentre particulièrement sur la gestion des réserves de change de la CEMAC, notamment en ce qui concerne les fonds liés à la réhabilitation des sites pétroliers. Depuis 2018, la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC), la banque centrale de la zone, a imposé aux entreprises pétrolières de constituer des fonds pour la restauration environnementale des sites exploités. Cette initiative vise à reconstituer les réserves de change de la CEMAC et à maintenir la stabilité économique de la région, dont le niveau de couverture des importations est actuellement insuffisant. La BEAC a fixé au 30 avril 2025 la date limite pour que les multinationales pétrolières signent l’accord de contribution, sous peine de lourdes pénalités.
L’économie de la CEMAC, fragile en raison de sa dépendance au pétrole et à ses exportations, traverse une phase de vulnérabilité accrue. En mars 2025, les réserves de change étaient estimées à 7 584,9 milliards de FCFA, mais ces chiffres demeurent insuffisants au regard des normes internationales, qui préconisent une couverture d’au moins cinq mois d’importations. Cette situation a poussé la BEAC à adopter des politiques strictes pour renforcer ses réserves et limiter les risques d’instabilité économique. Cependant, les autorités américaines estiment que la gestion de ces fonds de restauration pourrait ne pas répondre aux critères de liquidité et de contrôle exigés pour être considérée comme des réserves de change véritablement disponibles.
La principale critique formulée par les législateurs américains concerne la gestion des fonds de restauration environnementale. Selon eux, la BEAC refuse de renoncer à son immunité souveraine en cas de gestion défaillante des réserves de change, malgré sa volonté de se positionner comme dépositaire de ces fonds. Les responsables américains estiment que la BEAC doit davantage de transparence et clarifications, en particulier concernant les réserves qui ne répondent pas aux critères du FMI de “liquidité rapide” et de “contrôle national”. Ce point est crucial dans le contexte de la législation, qui exige un engagement plus ferme de la part du FMI sur la gestion des ressources.
La mise en œuvre de ce projet de loi pourrait avoir des implications importantes pour l’aide du FMI à la CEMAC. Si le Congrès américain adopte la législation, cela pourrait compliquer les relations économiques entre les États-Unis, le FMI et les pays de la CEMAC. Bien que les réserves de change de la sous-région aient montré une légère amélioration en 2024, la pression sur la BEAC pour atteindre une stabilité suffisante et répondre aux exigences internationales se fait de plus en plus forte. Les États-Unis semblent déterminés à ne pas soutenir le FMI dans ses initiatives sans une révision substantielle des mécanismes de transparence et de gestion des fonds dans la région.
Dans ce contexte tendu, le FMI a souligné la nécessité pour la BEAC de maintenir des taux d’intérêt élevés pour maîtriser l’inflation. Toutefois, la pression pour une gestion plus rigoureuse des fonds et des réserves de change s’intensifie. À moins que des réformes substantielles ne soient entreprises, les relations financières entre les États-Unis, le FMI et les pays de la CEMAC risquent d’être marquées par des désaccords, ce qui pourrait affecter la stabilité économique et les perspectives de développement de la sous-région.