Le Parlement rwandais a adopté, le 4 août, une nouvelle loi de santé publique qui marque un tournant dans le paysage législatif du pays. Le texte encadre désormais la télémédecine, la numérisation des données médicales et, surtout, introduit des mesures controversées dans le domaine des droits reproductifs, notamment l’accès à la contraception pour les mineurs dès l’âge de 15 ans sans autorisation parentale, ainsi que la légalisation encadrée de la procréation médicalement assistée.
Cette réforme portée par le ministère de la Santé vise à moderniser le cadre juridique afin de l’adapter aux évolutions technologiques et sociales. L’un des points les plus débattus reste l’autorisation donnée aux adolescents d’accéder à des services de santé reproductive, sans accord parental, à partir de 15 ans. Une mesure initialement rejetée en 2022, notamment sous la pression de groupes religieux et conservateurs, mais jugée désormais urgente face à l’augmentation préoccupante des grossesses précoces. Aflodis Kabaga, directeur de l’ONG Health Development Initiative, souligne que cette disposition est « une réponse nécessaire à une réalité sociale », tout en insistant sur l’importance de la mise en œuvre concrète des mesures prévues.
Le texte adopté s’inscrit dans un contexte de réformes plus larges entamées par Kigali ces dernières années, axées sur l’amélioration de l’accès aux soins, la modernisation des infrastructures sanitaires et la lutte contre les inégalités. Il intervient aussi dans un pays où les questions de santé sexuelle restent encore sensibles, prises en étau entre traditions culturelles, influence religieuse et réalités sanitaires. La question de l’accès à la contraception pour les jeunes, en particulier, a longtemps été un sujet tabou.
Au-delà des questions reproductives, le projet de loi encadre désormais les services de procréation assistée, notamment la fécondation in vitro et la gestation pour autrui (GPA) à but non lucratif. Jusqu’ici sans reconnaissance légale, ces pratiques faisaient face à de nombreux obstacles, notamment pour les couples ayant recours à des traitements à l’étranger. Pour Yvan Butera, ministre d’État à la Santé, cette mesure vient combler un vide juridique et permettre aux Rwandais concernés de bénéficier de ces services dans un cadre national, tout en évitant les dérives commerciales.
Le texte n’est pas encore en vigueur : il devra être signé par le cabinet avant d’être appliqué. D’ici là, les autorités sanitaires se préparent à mettre en place les règlements d’application nécessaires, en concertation avec les structures de santé, les ONG et les autorités locales. Les défis d’exécution restent importants, notamment pour garantir une accessibilité réelle à ces services dans les zones rurales et éviter toute stigmatisation des bénéficiaires.
Enfin, cette loi, bien qu’ambitieuse, devra faire face à la réaction d’une partie de la société rwandaise encore réticente aux évolutions qu’elle propose. Si certains saluent une avancée nécessaire et tardive, d’autres y voient une menace pour les valeurs culturelles du pays. Le débat est loin d’être clos, mais Kigali semble déterminé à faire évoluer son système de santé vers un modèle plus inclusif et plus adapté aux réalités contemporaines.