Cinq anciens ministres du président Macky Sall ont déposé une plainte auprès des Nations unies, accusant l’État sénégalais d’« instrumentalisation politique de la justice ». Inculpés pour détournements de fonds liés à la gestion du fonds anti-Covid, ils dénoncent notamment l’absence de garanties d’un procès équitable devant la Haute Cour de justice.
Les ex-ministres, poursuivis pour « détournement de deniers publics », sont traduits devant la Haute Cour de justice, juridiction compétente pour juger les membres du gouvernement. Mais selon leurs avocats, cette cour viole le droit international : ses décisions ne peuvent faire l’objet d’aucun appel. Cette absence de recours constitue, selon la défense, une atteinte au droit à un procès équitable tel que garanti par les conventions internationales que le Sénégal a ratifiées.
La composition de la Haute Cour cristallise les critiques. Elle est présidée par le premier président de la Cour suprême, mais ses huit juges sont désignés par l’Assemblée nationale, aujourd’hui largement contrôlée par le Pastef d’Ousmane Sonko. Sept des huit juges sont issus du parti au pouvoir, ce qui, aux yeux des plaignants, remet en cause l’indépendance et l’impartialité de l’instance.
Le cabinet français Vey & Associés, qui représente les ex-ministres, a saisi la rapporteure spéciale de l’ONU sur l’indépendance des juges, Margaret Satterthwaite. La requête demande l’ouverture d’un dialogue urgent avec les autorités sénégalaises, et surtout, la suspension immédiate des procédures en cours. Le document dénonce une « justice instrumentalisée » au service d’un règlement de comptes politique.
Ce bras de fer judiciaire intervient dans un contexte de transition politique au Sénégal. L’élection de Bassirou Diomaye Faye, issu du Pastef, a marqué une rupture avec le régime précédent. La nouvelle majorité semble déterminée à solder le passé, mais ces poursuites contre des figures de l’ancien régime soulèvent des inquiétudes sur l’usage des institutions judiciaires comme outil de règlement politique.
La réponse des Nations unies pourrait mettre le Sénégal sous pression. Si la rapporteure spéciale juge les griefs fondés, Dakar pourrait être sommé de revoir le fonctionnement de sa justice politique. Cela poserait un dilemme à la nouvelle équipe au pouvoir, partagée entre volonté de rupture et nécessité de garantir l’État de droit. Pour les observateurs, cette affaire devient un test majeur pour l’indépendance réelle de la justice sénégalaise.