El Hadj Babacar Dioum, plus connu sous le pseudonyme « Kocc Barma », a été interpellé à Dakar par la police sénégalaise. Administrateur du site pour adultes Babiporno, il est accusé d’avoir orchestré un vaste réseau de diffusion de contenus intimes sans consentement. Des centaines de sextapes de femmes sénégalaises, ainsi que des preuves de chantage sexuel, ont été retrouvées sur ses appareils.
L’arrestation s’est déroulée dans une résidence sécurisée de la capitale, où les enquêteurs ont saisi huit véhicules, une arme à feu, une importante somme d’argent liquide et les serveurs du site. Ces éléments ont permis de mettre au jour une structure bien rodée, avec des transactions financières anonymes et des méthodes dignes d’une organisation criminelle. Plus de 5 000 plaintes ont été enregistrées depuis 2018, impliquant des victimes de tous horizons : personnalités publiques, journalistes, avocats ou simples anonymes.
L’enquête a été déclenchée par la plainte d’une jeune femme qui tentait de protéger sa sœur de 16 ans, victime de chantage sexuel. Cette démarche a conduit la police à intensifier sa surveillance, notamment autour d’un restaurant fréquenté par le suspect. La plateforme Babiporno a été définitivement fermée par les autorités, qui ont également commencé à interroger les proches de Dioum, dont sa compagne.
Ce scandale met en lumière une réalité inquiétante au Sénégal : la montée en puissance de la « sextorsion ». En novembre 2023, RFI relatait le cas d’« Aissatou », victime de chantage après que des vidéos intimes, destinées à son époux, ont été volées et monnayées par des réseaux mafieux. Ce type de cas, longtemps considéré comme isolé, s’est multiplié, ciblant aussi bien des particuliers que des figures publiques.
Derrière ces affaires, c’est la question plus large de la cybercriminalité qui se pose. Une étude récente de KnowBe4 AFRICA révèle une forte hausse des inquiétudes sur le continent : 58 % des Africains interrogés disent redouter les arnaques et l’extorsion en ligne, contre 29 % l’an dernier. Les techniques évoluent vite, avec une utilisation croissante des deepfakes, de l’ingénierie sociale et la vente massive de données personnelles.
La chute de Dioum, personnage controversé ayant longtemps échappé aux radars de la justice, pourrait marquer un tournant. Elle soulève néanmoins de nombreuses interrogations : comment un tel site a-t-il pu prospérer aussi longtemps en toute impunité ? Pourquoi les plaintes n’ont-elles pas été traitées plus tôt ? Et surtout, le Sénégal est-il prêt à affronter les défis sécuritaires d’un monde numérique où l’impunité semble encore trop souvent la règle ?