La présidente sortante Samia Suluhu Hassan a été réélue à la tête de la Tanzanie avec un score plébiscitaire de 97,66% des voix, selon les résultats officiels proclamés par la Commission électorale nationale. Ce scrutin, marqué par une participation officielle de 86,8%, consolide le mandat de la première femme présidente du pays. Cependant, cette victoire éclatante est immédiatement obscurcie par les violences qui ont émaillé le processus et l’absence des principaux partis d’opposition.
Le déroulement du vote du 29 octobre a été entaché par des manifestations et une répression sévère dans plusieurs grandes villes, notamment Dar es Salaam et Mwanza. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a fait état d’au moins dix morts, tandis que l’opposition avance le chiffre, non vérifié indépendamment, de plusieurs centaines de victimes. Les autorités ont répondu par l’instauration d’un couvre-feu et des restrictions d’accès à Internet, des mesures justifiées par le gouvernement comme nécessaires au maintien de l’ordre.
Ce contexte conflictuel s’inscrit dans une longue tradition de mainmise du Chama Cha Mapinduzi (CCM), au pouvoir sans interruption depuis l’indépendance en 1961. La présidente Hassan, héritière du régime, avait initialement engagé une timide ouverture après les années autoritaires de son prédécesseur John Magufuli. Toutefois, cette élection marque un retour à des méthodes plus répressives. La disqualification des principaux candidats d’opposition, Tundu Lissu du CHADEMA et ceux d’ACT-Wazalendo, a vidé la compétition de sa substance, soulevant de graves questions sur le pluralisme démocratique.
Les perspectives politiques qui se dessinent sont ambivalentes. D’un côté, ce mandat consolidé pourrait offrir à Samia Suluhu Hassan la marge de manœuvre nécessaire pour poursuivre ses réformes économiques et renouer avec les partenaires internationaux. De l’autre, la méthode employée pour assurer cette victoire risque d’entacher durablement la légitimité de son gouvernement et de décourager les investisseurs étrangers sensibles à la stabilité politique. La communauté internationale, notamment les bailleurs de fonds, observe avec une inquiétude grandissante la dérive autoritaire du régime.
L’écart considérable entre le bilan des Nations Unies et celui avancé par l’opposition concernant les violences illustre l’opacité qui règne autour des événements. Le gouvernement a qualifié les chiffres de l’opposition d'”exagérés”, assurant que le scrutin s’était déroulé “dans l’ordre et la transparence”. Sans observateurs internationaux crédibles et face à la censure des communications, il est extrêmement difficile de vérifier ces affirmations contradictoires.
Au-delà du simple récit électoral, ce scrutin fonctionne comme un révélateur des tensions qui traversent la société tanzanienne. La promesse d’une “Samia démocratie”, espérée après l’ère Magufuli, semble s’être évaporée. La gestion de l’après-élection, notamment la levée ou non des restrictions et l’ouverture d’enquêtes sur les violences, sera un test crucial pour la présidente. Elle déterminera si la Tanzanie s’enfonce dans un autoritarisme consolidé ou si une voie de réconciliation et d’ouverture reste possible.



