En Tanzanie, Tundu Lissu, principal opposant au régime en place, reste incarcéré pour trahison depuis avril 2025. Le 15 juillet, son audience a de nouveau été reportée, empêchant ainsi l’ouverture de son procès à moins de 90 jours du scrutin présidentiel. Cette détention prolongée sans jugement suscite l’indignation jusque dans les rangs du Parlement européen.
Face au tribunal de Kisutu, à Dar es Salaam, Tundu Lissu s’est une nouvelle fois présenté seul, encadré par des gardes masqués. Lors de cette audience, il a dénoncé un procès à visée purement politique. « Les citoyens de ce pays savent, et le monde aussi, que cette affaire n’est rien d’autre que politique », a-t-il déclaré. Le report répété des audiences laisse peu de doute sur une volonté d’écarter une figure majeure de l’opposition avant le scrutin.
La résonance de cette affaire dépasse les frontières tanzaniennes. À Strasbourg, Michael Gahler, eurodéputé allemand, a publiquement critiqué l’inaction de l’Union européenne. Il accuse notamment l’ambassadrice européenne à Dar es Salaam d’être restée « calme et silencieuse » face à l’emprisonnement du chef de l’opposition, allant jusqu’à dénoncer les propos élogieux tenus par un ministre européen récemment en visite dans le pays. En réponse, la délégation européenne en Tanzanie a tenté de se justifier par communiqué, assurant avoir exprimé ses « inquiétudes » aux autorités locales.
À l’approche de l’élection présidentielle prévue pour octobre, la détention de Lissu intervient dans un contexte de durcissement autoritaire. Accusé de trahison, il encourt la peine de mort, un signal particulièrement fort alors que plusieurs figures de l’opposition ont disparu ces derniers mois. Pour les défenseurs des droits humains, cette stratégie vise à verrouiller l’espace politique en amont du scrutin.
Depuis sa tentative d’assassinat en 2017 et son retour en politique en 2020, Tundu Lissu incarne une opposition déterminée mais fragilisée. Sa popularité et sa rhétorique directe en font une menace pour le pouvoir en place. L’instrumentalisation de la justice et les silences diplomatiques qui l’entourent posent une nouvelle fois la question du rapport de force entre principes démocratiques et intérêts géopolitiques.
Le cas Lissu révèle les limites de l’engagement européen sur le continent. Derrière les déclarations officielles, les critiques internes pointent un décalage entre les valeurs affichées par l’UE et ses actes sur le terrain. À mesure que la répression s’intensifie en Tanzanie, le mutisme des partenaires occidentaux devient de plus en plus difficile à justifier. À défaut de pression internationale, la dérive autoritaire risque de s’installer durablement.