À N’Djaména, une cinquantaine de militantes du parti Les Transformateurs ont organisé, vendredi 5 juillet, un rassemblement en soutien à leur leader Succès Masra, détenu depuis cinquante jours. Cette mobilisation, baptisée « Balcon de l’Espoir », intervient au lendemain de la suspension de sa grève de la faim, et dénonce ce que les militantes qualifient de « procès politique ».
Réunies au siège du parti, les manifestantes, conduites par Claudia Hoinaty, vice-présidente chargée de l’engagement féminin, ont lu une déclaration dénonçant une procédure « arbitraire », des « accusations sans fondement » et une volonté manifeste de faire taire une voix critique. Elles appellent à la libération immédiate de Masra, qu’elles considèrent comme victime d’un règlement de comptes politique, et non d’un véritable processus judiciaire.
L’arrestation de Succès Masra s’inscrit dans une période tendue au Tchad, où la transition dirigée par Mahamat Idriss Déby est régulièrement critiquée pour son manque d’ouverture politique. L’ancien Premier ministre, figure centrale de l’opposition, avait entamé une grève de la faim le 23 juin pour protester contre sa détention et, selon ses mots, pour exprimer sa solidarité avec un peuple « enchaîné par des injustices structurelles ». Son état de santé s’était rapidement détérioré, obligeant ses avocats à demander une évaluation médicale d’urgence.
Le collectif d’avocats de Masra dénonce une série de violations : absence de mandat d’arrêt, garde à vue prolongée, perquisitions sans autorisation légale, falsification présumée de documents. La chambre d’accusation a pourtant rejeté les recours déposés le 19 juin, une décision perçue par la défense comme une « dénégation de justice » et la confirmation d’un « procès politique de haute facture ».
Le rassemblement de vendredi a été marqué par des gestes forts : certaines femmes se sont partiellement dénudées, une pratique traditionnelle pour exprimer un désespoir extrême ou une colère sacrée. La mère de Masra elle-même aurait participé à ce mouvement. Face à cette intensité émotionnelle, les avocats appellent au calme, à la discipline, mais aussi à la persévérance dans la lutte, en restant attachés au respect du droit.
La prochaine étape cruciale sera la confrontation entre Succès Masra et le juge d’instruction. Le collectif d’avocats dit aborder cette échéance avec confiance, malgré un environnement judiciaire qu’ils jugent hostile. En parallèle, les appels à une mobilisation pacifique se multiplient, tant au sein du parti que parmi les organisations de la société civile tchadienne. Le sort de Masra pourrait bien cristalliser davantage encore les fractures d’un pays en transition incertaine.