Au Tchad, un tournant majeur a été amorcé ce vendredi 23 février avec le début du versement des indemnités aux victimes de l’ère Hissène Habré. Cette initiative, longtemps attendue, marque le début de la concrétisation des engagements pris par Ndjamena en faveur des quelque 10 700 personnes affectées par le régime de l’ancien dictateur, avec une enveloppe initiale de 10 milliards de FCFA.
Malgré l’importance de cette démarche, les indemnités versées, bien que significatives, restent en deçà des attentes. Les tribunaux avaient en effet ordonné le paiement de sommes bien plus conséquentes via un fonds fiduciaire géré par l’Union africaine. Pour Adoumbaye Dam Pierre, président de l’association des victimes, ce premier pas est un soulagement, mais l’attente de la totalité des dédommagements demeure, soulignant la précarité extrême dans laquelle vivent encore les victimes.
Ces indemnisations interviennent après des années de luttes et de procédures judiciaires suivant la fin du procès de Hissène Habré en 2016. Son régime, marqué par des crimes contre l’humanité, a laissé des séquelles profondes dans la société tchadienne. Le dialogue national fin 2022 avait abouti à la recommandation de réhabiliter l’ancien président, reflétant un désir de réconciliation tout en naviguant dans les complexités de la mémoire collective.
Cette initiative d’indemnisation s’inscrit dans un effort plus large de réconciliation et de reconstruction du tissu social au Tchad. La discussion sur la réhabilitation d’Hissène Habré, notamment à travers une inhumation digne, bien que controversée, témoigne d’une volonté de tourner la page tout en rendant justice aux victimes. Toutefois, la pleine réalisation de cet objectif nécessite une démarche délicate et respectueuse des souffrances endurées.
Le débat autour de la réhabilitation d’Hissène Habré et de son inhumation avec les honneurs illustre les tensions entre le besoin de reconnaissance des victimes et les étapes vers une réconciliation nationale. Les positions varient, certaines associations de victimes appelant à la prudence pour ne pas raviver les douleurs du passé, tandis que d’autres voient dans ces gestes un moyen de pacification et de pardon.
L’initiative d’indemnisation lance un processus complexe et émotionnel de guérison nationale. La route vers une réconciliation complète est semée d’embûches, incluant le respect de la mémoire des victimes et la gestion des attentes autour de la réhabilitation d’une figure aussi polarisante que Hissène Habré. La suite des événements sera cruciale pour déterminer si le Tchad peut avancer vers une paix durable tout en honorant les souffrances du passé.