Pour la première fois non seulement au Tchad mais aussi sur le continent africain, la scène politique est témoin d’une situation exceptionnelle : Mahamat Idriss Déby, le président en exercice, et son Premier ministre, Succès Masra, ont été désignés par leurs partis respectifs comme candidats à l’élection présidentielle du 6 mai 2024. Cette annonce surprenante survient à un moment où le pays se prépare à entrer en pleine campagne électorale, sans que cette concurrence au sommet n’ébranle, pour l’instant, l’harmonie apparente au sein du gouvernement de transition.
Les entourages des deux hommes politiques s’emploient à minimiser l’impact de cette concurrence sur le fonctionnement de l’État. Un proche du président Déby souligne la clarté des rôles au sein du gouvernement : Déby, le “pilote”, et Masra, le “co-pilote”, assurant une continuité sans accroc. L’accent est mis sur une lutte d’idées, présentée comme un affrontement civilisé et constructif, loin des querelles personnelles ou des blocages administratifs.
Cette situation inédite intervient dans un contexte politique complexe. Le Tchad, en transition depuis le décès de l’ancien président Idriss Déby Itno en 2021, se trouve à un carrefour crucial de son histoire. La mise en place du gouvernement de transition visait à préparer le pays pour des élections démocratiques et transparentes, dans un effort de stabilisation et de réconciliation nationale.
Les implications de cette double candidature sont vastes. D’une part, elle teste la solidité du cadre démocratique tchadien, mettant en lumière la capacité du pays à gérer une compétition électorale au plus haut niveau de l’État sans déstabiliser son fragile équilibre politique. D’autre part, elle ouvre la porte à un débat plus riche et peut-être plus ouvert sur l’avenir du Tchad, offrant aux électeurs une véritable alternative.
Cependant, cette cohabitation sans précédent ne manque pas de soulever des interrogations et des critiques. L’opposition et certains observateurs évoquent la possibilité d’une “entente secrète” visant à verrouiller le processus électoral, avec des accusations de plans orchestrés pour maintenir le pouvoir au sein d’un cercle restreint. Ces allégations, bien que réfutées par les entourages des candidats, alimentent le débat sur la transparence et l’intégrité de l’élection à venir.
L’élection présidentielle de mai 2024 s’annonce donc comme un moment décisif pour le Tchad, avec le potentiel de redéfinir les contours du pouvoir politique dans le pays. Les yeux de la communauté nationale et internationale seront tournés vers N’Djamena, dans l’attente de voir comment cette compétition inédite se déroulera et quelles en seront les conséquences pour l’avenir du Tchad.