Nouvel épisode dans le bras de fer entre le pouvoir tchadien et l’opposition : Ndolembai Njessada, premier vice-président du parti Les Transformateurs, s’est vu interdire d’embarquer pour la Turquie ce 14 juillet. Ancien ministre de l’Éducation nationale, il a été stoppé à l’aéroport international de N’Djamena, où ses passeports lui ont été confisqués sans qu’aucune raison officielle ne soit communiquée. L’incident survient alors que les tensions politiques ne cessent de s’intensifier autour du chef du parti, Succès Masra, actuellement emprisonné.
Le parti Les Transformateurs dénonce une « dérive autoritaire » et une atteinte flagrante à la liberté de circulation garantie par la Constitution. Par voie de communiqué, il fustige des autorités « fermées à tout dialogue sincère » et accuse le gouvernement de préférer les « menaces » à la concertation. Cette interdiction de voyager n’est pas un cas isolé : un mois plus tôt, le Dr Sitack Yombatinan Béni, deuxième vice-président du parti, avait lui aussi été refoulé à l’aéroport de N’Djamena alors qu’il se rendait en France.
Ces entraves surviennent dans un contexte où le président du parti, Succès Masra, est détenu depuis le 16 mai 2025. Son arrestation a suscité une vive controverse, ses avocats dénonçant une procédure entachée d’irrégularités et qualifiant le procès de « politique ». Fin juin, Masra avait suspendu une grève de la faim de sept jours qu’il avait entamée en prison, protestant contre ce qu’il appelle des « injustices imméritées ». Dans une lettre écrite depuis sa cellule, il accusait le régime d’opprimer le peuple tchadien et appelait à une mobilisation pour la justice et la liberté.
L’affaire a franchi les frontières du Tchad. Début juillet, la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale tchadienne s’en est prise à son homologue française, qui avait exprimé des préoccupations au sujet de la détention de Masra. Dans un communiqué au ton sec, elle a dénoncé une « ingérence » inacceptable, défendant l’indépendance de la justice tchadienne et affirmant que l’affaire relevait exclusivement de la souveraineté nationale.
L’acharnement contre les cadres des Transformateurs semble dessiner une stratégie de verrouillage de l’espace politique à l’approche des futures échéances électorales. L’arrestation de Masra, les interdictions de voyager imposées à ses lieutenants, et le contrôle strict des mouvements d’opposants traduisent une volonté manifeste d’asphyxier toute contestation. Si aucune voix critique ne peut s’exprimer sans être muselée, c’est la crédibilité du processus démocratique tchadien qui risque de s’effondrer.
La crispation des autorités face aux critiques internationales pourrait par ailleurs accentuer l’isolement du Tchad. En rejetant catégoriquement toute interpellation étrangère, même modérée, le régime mise sur une ligne dure qui pourrait nuire à ses partenariats, notamment avec l’Union européenne et certains pays africains. Une position de repli qui pourrait se retourner contre lui, notamment si les appels à la libération de Masra prennent une tournure multilatérale dans les enceintes internationales.