La neuvième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (Ticad), qui se tient du 20 au 22 août à Yokohama, marque la volonté affirmée du Japon d’accroître ses investissements sur le continent. En présence de quelque 5 000 participants, Tokyo met en avant une stratégie d’ouverture économique qui combine coopération bilatérale, alliances régionales et partenariats avec l’Inde et le Moyen-Orient pour contrebalancer l’influence grandissante de la Chine.
Le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba accueille notamment le président kényan William Ruto, dont le pays illustre la réussite de la coopération nippone dans les infrastructures. Toshiba s’est ainsi imposé sur le projet de centrale géothermique d’Olkaria. Le Japon dispose déjà d’accords d’investissement avec plusieurs pays africains comme l’Angola, la Côte d’Ivoire ou encore le Maroc. Mais ses entreprises peinent à s’ancrer durablement, malgré un soutien actif de l’État pour réduire les risques financiers, renforcer la production agricole, et accompagner la transition énergétique.
Depuis deux décennies, l’Afrique est devenue un terrain de compétition acharnée entre puissances émergentes et acteurs traditionnels. La Chine y a consolidé une présence dominante à travers ses financements massifs en infrastructures. Le Japon, de son côté, avance plus prudemment, privilégiant des projets ciblés et une approche axée sur la gouvernance et la durabilité. La Ticad, organisée tous les trois ans, est ainsi conçue comme un contrepoids diplomatique et économique, pour ne pas laisser Tokyo marginalisé dans une région où se joue une part de l’avenir économique mondial.
Pour gagner en efficacité, le Japon mise désormais sur des alliances triangulaires. Les entreprises nippones établies en Inde ou au Moyen-Orient serviront de relais pour pénétrer le marché africain. Des initiatives sont déjà lancées dans des domaines stratégiques : entrepôts frigorifiques alimentés par l’énergie solaire, transformation alimentaire tournée vers l’export, et kiosques numériques. À Yokohama, Tokyo prépare aussi des accords de libre-échange avec des pays d’Afrique de l’Est, ainsi qu’avec le Nigeria et le Ghana en Afrique de l’Ouest.
Au-delà du commerce, le Japon veut séduire la jeunesse africaine. Le lancement du programme « Tomoni Africa » doit encourager l’innovation, la formation et les échanges universitaires. L’objectif est clair : construire des passerelles durables entre jeunes générations japonaises et africaines, tout en créant un vivier de talents connectés à l’économie nippone. Une approche qui vise à asseoir l’influence de Tokyo à long terme.
Tokyo n’ignore pas que le développement économique reste fragile sans stabilité politique. À la Ticad, le Japon annonce son soutien à l’Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad) afin de promouvoir des femmes leaders dans la Corne de l’Afrique. L’accent est mis sur la gouvernance, la justice et l’État de droit. En favorisant l’inclusion des femmes dans la résolution des conflits et la lutte contre le changement climatique, Tokyo cherche à lier paix durable et croissance économique, un message destiné à marquer sa différence face aux approches plus commerciales de ses concurrents.