Moins de dix jours après une série de manifestations contre le président Faure Gnassingbé, le gouvernement togolais a haussé le ton. Lors d’une conférence de presse tenue le 9 juillet, le ministre de l’Administration territoriale, le colonel Hodabalo Awate, a qualifié les mobilisations de « manipulation » et de « tentative de déstabilisation de la sous-région ». Il a évoqué des « actes terroristes » pour décrire les troubles ayant marqué ces rassemblements non autorisés.
Les manifestations des 6, 26, 27 et 28 juin, déclenchées à l’appel d’artistes et d’influenceurs togolais de la diaspora, ont été sévèrement réprimées. Selon le bilan officiel, cinq personnes ont trouvé la mort. Le gouvernement affirme que ces marches n’avaient pas été déclarées et déplore des actes de vandalisme. Pour les autorités, il ne s’agit pas d’une revendication politique légitime, mais d’un plan coordonné visant à semer le chaos.
Ces déclarations s’inscrivent dans un contexte politique explosif, alors que la légitimité du président Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005 après avoir succédé à son père, continue d’être contestée. Depuis plusieurs années, les mobilisations citoyennes dénoncent la concentration du pouvoir, la répression policière et l’absence d’alternance démocratique. Cette dernière vague de manifestations, bien que initiée depuis l’étranger, a rassemblé dans plusieurs villes des centaines de Togolais exprimant leur colère face à la persistance du régime.
En assimilant les protestations à des actes terroristes, le gouvernement tente de délégitimer un mouvement qui, bien qu’irrégulier et dispersé, trouve un écho réel dans la société. La référence au Sahel et à la région des savanes par le colonel Awate fait écho à une stratégie désormais familière dans la sous-région : faire un parallèle entre contestation politique interne et menaces sécuritaires régionales pour justifier un durcissement du régime.
Face aux accusations du pouvoir, les réactions de la société civile et de l’opposition n’ont pas tardé. Le porte-parole des organisations citoyennes, David Dosseh, dénonce une stratégie de « déni, de mensonge et de manipulation ». Il reproche également à la justice togolaise de garantir l’impunité aux responsables des violences ayant entraîné la mort de cinq manifestants. Pour l’opposition, cette gestion sécuritaire des contestations s’inscrit dans une logique plus large d’étouffement de toute voix critique.
Malgré la répression et les menaces, les mouvements contestataires ne comptent pas reculer. Deux nouvelles journées de mobilisation sont prévues les 16 et 17 juillet. La société civile appelle également à plusieurs jours de deuil en mémoire des victimes tuées lors des récentes manifestations. Si ces initiatives traduisent une résilience de la contestation, elles laissent aussi craindre une nouvelle escalade dans la confrontation avec les forces de l’ordre.
L’amalgame entre contestation politique et terrorisme est une stratégie de plus en plus répandue dans plusieurs régimes d’Afrique de l’Ouest. Elle permet de justifier un usage disproportionné de la force et d’éteindre toute velléité de changement. Au Togo, ce discours semble viser à préparer l’opinion publique à une réponse encore plus musclée à l’avenir, en entretenant la peur d’une déstabilisation venue de l’extérieur.