Le 18 mars 2025, un groupe de onze ONG issues de cinq pays africains a déposé une plainte historique contre le magnat français Vincent Bolloré et son groupe. Accusé de fraude, corruption et blanchiment d’argent, le groupe Bolloré se retrouve au centre d’une enquête internationale. Ces accusations sont portées dans le cadre de ses activités dans les ports africains, où il aurait reçu des faveurs en échange de contrats portuaires. Le collectif “Restitution pour l’Afrique” (RAF), qui regroupe des associations de Togo, Guinée, Ghana, Côte d’Ivoire et Cameroun, entend dénoncer un système de corruption à grande échelle.
Les ONG dénoncent des pratiques illégales ayant permis au groupe Bolloré de contrôler plusieurs ports africains, en particulier en Guinée et au Togo, en échange de soutien à des campagnes politiques. Selon les informations, ces contrats seraient liés à des concessions portuaires obtenues par des moyens douteux. Les autorités françaises ont déjà entamé des investigations sur les liens entre le groupe Bolloré et ces campagnes politiques, notamment celles des présidents Faure Gnassingbé du Togo et Alpha Condé de Guinée, en 2010. Ce soutien politique aurait permis à Bolloré d’obtenir un accès privilégié à des infrastructures portuaires stratégiques.
Le groupe Bolloré a longtemps été un acteur majeur dans le domaine de la logistique et des transports en Afrique, où il gère plusieurs ports et infrastructures logistiques depuis les années 2000. En 2022, le groupe a cédé son activité africaine, mais les accusations de fraude et de corruption ont persisté. Ce n’est pas la première fois que les activités du groupe en Afrique suscitent des interrogations, notamment sur la manière dont certaines concessions ont été obtenues. L’implication de Bolloré dans des campagnes politiques et son influence sur des dirigeants africains, qu’il soutenait en échange de contrats, ajoute une dimension complexe à cette affaire.
L’impact de cette plainte pourrait être majeur, à la fois pour le groupe Bolloré et pour les pays africains concernés. Si les accusations de blanchiment d’argent sont confirmées, elles pourraient entraîner des sanctions sévères, non seulement pour le groupe français, mais aussi pour les responsables politiques africains impliqués dans ces accords. Du côté des ONG, l’objectif est de récupérer des fonds pour les pays africains et de lutter contre la corruption systémique qui freine le développement du continent. Ce dossier pourrait également ouvrir la voie à d’autres actions légales contre des entreprises multinationales opérant en Afrique dans des conditions similaires.
Les conséquences locales de ces pratiques sont considérables. Dans les pays africains concernés, des milliers d’emplois dépendent directement des activités du groupe Bolloré dans les ports. Toutefois, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer le manque de transparence dans les contrats signés, qui ne profitent pas toujours aux communautés locales. “Nous ne voyons jamais les bénéfices de ces contrats”, déplore un ancien salarié d’une des entreprises de Bolloré, qui préfère rester anonyme. Pour beaucoup, ces pratiques ont créé un environnement propice à l’enrichissement d’une minorité au détriment du développement durable des régions concernées.
Cette plainte marque peut-être un tournant dans la lutte contre la corruption en Afrique. Le caractère panafricain de l’initiative, qui regroupe plusieurs pays du continent, est inédit. Les ONG et les avocats impliqués espèrent que cette action judiciaire aura des répercussions au-delà de ce seul dossier, en inspirant d’autres mouvements similaires contre les entreprises multinationales opérant sur le continent. Le président du collectif Restitution Afrique, Jean-Jacques Lumumba, a souligné que cette plainte visait non seulement à dénoncer les pratiques de corruption, mais aussi à redonner aux populations ce qui leur est dû.