Le groupe Wagner est-il déjà au Burkina ? C’est ce qu’a affirmé mercredi le président ghanéen au cours de son tête-à-tête à Washington avec le secrétaire d’État américain Antony Blinken, en marge du sommet États-Unis-Afrique. Au cours de cette entrevue, retransmise par la diplomatie américaine, Nana Akufo-Addo a assuré que le Burkina Faso, son voisin du nord, a conclu un arrangement pour faire à son tour appel à la société de mercenaires russes.
Nana Akufo-Addo ne s’est pas embarrassé de conditionnels. Face au chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, qui acquiesce, il assure d’un ton très affirmatif que les mercenaires russes sont déjà déployés chez son voisin, sans apporter d’éléments supplémentaires.
« Avant tout, il y a un sujet que je veux mettre sur la table de manière urgente. Aujourd’hui, les mercenaires russes sont à notre frontière nord. Le Burkina Faso a trouvé un arrangement pour suivre le Mali et employer les forces de Wagner sur son territoire. Je crois qu’une mine dans le sud du Burkina leur a été allouée comme forme de paiement pour leur service. Le Premier ministre du Burkina Faso a été à Moscou au cours des dix derniers jours. Et avoir ces mercenaires qui opèrent juste de l’autre côté de notre frontière est particulièrement pénible pour nous au Ghana », a-t-il déclaré.
Le président ghanéen regrette que l’Afrique redevienne un théâtre d’affrontements entre grandes puissances. Mais alors que l’endiguement de la Russie sur le continent était un des objectifs de ce sommet États-Unis/Afrique, il n’hésite pas à demander aux Américains de marquer leur soutien.
« En plus de ne pas accepter de voir les grandes puissances faire à nouveau de l’Afrique leur théâtre d’opération, nous avons aussi eu une position claire à propos de la guerre en Ukraine : nous avons régulièrement condamné publiquement l’invasion par la Russie. Alors, avoir ce groupe à notre frontière est un sujet de grande inquiétude pour nous. Et je voudrais que cette discussion se poursuive : dans quelle mesure nous pouvons vous avoir comme partenaire pour faire face à ce danger ? C’est très important », a déclaré Nana Akufo-Addo dans son intervention filmée, dont la vidéo est disponible sur le site du département d’État américain.
Le porte-parole du gouvernement burkinabè n’a pas souhaité réagir à ces affirmations. « Je lui laisse la responsabilité de ce qu’il a dit », a répondu Jean-Emmanuel Ouedraogo à l’AFP.
Dans une interview à Jeune Afrique, le 14 décembre, l’ambassadrice américaine auprès de l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, avait pour sa part évoqué les « rumeurs » d’un déploiement de Wagner au Burkina Faso, rumeurs qui soulèvent, selon elle, de « sérieuses préoccupations ».
Scénario malien
Depuis quelque temps, les signes de rapprochement en le Burkina Faso et la Russie se multiplient. Comme le Mali, le Burkina Faso connaît une situation sécuritaire très dégradée. Face à la poussée des groupes jihadistes, les autorités ne contrôleraient qu’une portion réduite du territoire.
Dans ce contexte, l’attaque du camp de Djibo, le 24 octobre dernier, au cours de laquelle plus de 10 soldats burkinabés ont été tués, a servi d’accélérateur. Selon des sources bien informées, le chef de la junte avait pris contact avec Bamako pour obtenir un appui de l’armée de l’air malienne. Et même si cet appui n’a pas eu lieu, le capitaine Traoré semblait alors avoir fait le choix de se tourner vers les mercenaires russes de Wagner.
Comme au Mali, le Burkina a connu plusieurs coups d’État et sa junte, pour se maintenir au pouvoir, a besoin de soutien. Un soutien que les mercenaires de Wagner sont prêts à offrir contre rémunération, d’où la mine d’or et la visite du Premier ministre burkinabè à Moscou évoquées par le président ghanéen.
Le basculement du Burkina dans la sphère d’influence russe est donc possible, comme cela s’est déroulé il y a un an au Mali, à cette nuance près qu’à ce jour, personne ne s’aventure a confirmer la présence effective de Wagner dans le pays.
RFI