Face à une instabilité sécuritaire persistante et à l’érosion de l’influence française dans la région, Washington multiplie les initiatives pour renouer avec les pays sahéliens. En quelques semaines, plusieurs responsables américains de haut rang ont effectué des visites officielles à Bamako, Ouagadougou et Niamey, avec un objectif clair : repositionner les États-Unis comme un partenaire crédible en matière de sécurité, dans un contexte de recomposition géopolitique accélérée.
À Bamako, du 8 au 10 juillet, Rudolph Atallah, haut responsable de la Maison Blanche pour la lutte antiterroriste, a réaffirmé l’intérêt américain pour une « coopération rénovée ». Les échanges ont porté sur l’autonomisation des forces maliennes, la place de l’Alliance des États du Sahel (AES) dans la lutte antiterroriste, et les accusations portées par Bamako contre des soutiens étrangers aux groupes armés. Quelques semaines plus tôt, le 27 mai, c’est à Ouagadougou que Will Stevens, Sous-Secrétaire d’État, s’était présenté comme porteur d’un « message du président Trump » — une mention diplomatiquement discutable — plaidant pour une coopération militaire débarrassée des entraves occidentales, notamment sur les transferts d’armement.
Ces efforts interviennent alors que le fossé se creuse entre les régimes sahéliens et la France, accusée d’ingérence et de manipulations au sein de la Cédéao. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger, désormais regroupés dans l’AES, ont quitté l’organisation sous-régionale, dénonçant son instrumentalisation par Paris. Ce désengagement a ouvert la voie à une diversification des partenariats, en particulier avec Moscou. Des instructeurs russes sont désormais actifs dans les trois pays, signe d’un basculement stratégique assumé.
À Niamey, les discussions se poursuivent malgré la rupture unilatérale des accords de défense par le régime militaire. Le Premier ministre nigérien Ali Mahamane Lamine Zeine a rencontré à Washington l’ambassadeur Troy Fitrell pour évoquer une possible reprise des relations, alors que les troupes américaines se retirent de la base d’Agadez. Washington affiche sa volonté de réengagement, mais le cadre reste incertain. Les États sahéliens exigent le respect de leur souveraineté et refusent les conditions imposées par les anciennes puissances.
Malgré ces gestes d’ouverture, la position américaine reste ambivalente. En mars, Washington a rouvert partiellement ses services consulaires au Niger, tout en maintenant ce pays — ainsi que le Burkina Faso — sur une liste noire migratoire susceptible d’entraîner des restrictions de visas. Ce double langage alimente la méfiance. Sur le terrain, le commandement d’AFRICOM admet que le retrait des forces américaines du Niger a coïncidé avec une hausse des attaques djihadistes, tout en reconnaissant la nécessité de soutenir les armées locales à travers renseignements, formations et équipements.
Alors que les alliances se redessinent, les États-Unis tentent de réinsérer leur influence dans un espace sahélien désormais plus rétif à l’ingérence occidentale. Contrairement à la France, dont la présence militaire est aujourd’hui rejetée, Washington opte pour un discours de coopération bilatérale plus souple, sans renoncer à ses objectifs stratégiques. Reste à voir si cette approche suffira à compenser des années de désintérêt et à s’imposer dans une région courtisée par d’autres puissances, notamment la Russie et la Chine.